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12 février 2016 5 12 /02 /février /2016 11:14

 

 

Il n'aura échappé à personne que les marchés financiers traversent une zone de fortes turbulences depuis le début de l'année. Pourtant, l'alignement des planètes économiques (taux d'intérêt bas, euro faible, pétrole bon marché) est favorable à l'activité, et plus généralement les fondamentaux des entreprises cotées sont relativement bons. Mais que se passe-t-il donc sur les marchés ? Réponse dans ce billet...

 

La chute des marchés

 

Depuis le début de l'année 2016, mais le mouvement a en fait commencé dès le printemps 2015, les marchés actions de la zone euro connaissent des soubresauts et se dégradent de plus en plus :

 

 

[ Source : Boursorama.com ]

 

Pour le dire en termes un peu plus savants, on assiste dans la zone euro à une décorrélation entre le cours des actions et leurs fondamentaux, ces derniers étant pourtant relativement bons : hausse des profits des entreprises, augmentation du bénéfice net par action au sein de l'Eurostoxx 50, le tout conjugué à un peu de croissance au sein de l'UE, à un niveau historiquement bas des taux d'intérêt à long terme, à un euro faible et bien sûr à une abondance de liquidités injectées par la Banque centrale.

 

Pourquoi cette crise sur les marchés financiers ?

 

La crise actuelle sur les marchés actions prouve tout d'abord que le cours d'un titre ne dépend pas uniquement de ses fondamentaux, mais aussi (surtout ?) de l'environnement macroéconomique. Or, c'est peu dire que celui-ci s'est fortement dégradé partout dans le monde, comme j'en ai souvent rendu compte sur mon blog, d'où une remontée de l'aversion au risque des investisseurs. Examinons plus en détail quatre points :

 

1) la Chine n'en finit plus d'inquiéter quant à sa capacité de faire atterrir en douceur une économie encore trop axée sur les exportations et donc sur la compétitivité-coût. J'avais expliqué dans ce billet que la Chine faisait face à une déflation et qu'elle avait beaucoup de mal à rééquilibrer son modèle de croissance, pour donner plus d’importance à la demande intérieure. Plus généralement, en Chine, les problèmes économiques, financiers, sociaux et politiques se conjuguent pour donner un cocktail explosif !

 

Hélas, pour faire face à ses difficultés, la Chine a renoué avec ses méthodes traditionnelles non-confucéennes : la dévaluation du renminbi. Si cette acupuncture peut soigner à court terme la déflation et redresser la balance commerciale et l'investissement, elle n'est pas du tout indiquée dans un monde globalisé comme le nôtre. En effet, elle conduit à une baisse de la rentabilité pour les entreprises étrangères qui exportent vers la Chine, donc à une nouvelle dégradation des cours boursiers. De plus, elle peut provoquer une guerre des monnaies, à partir du moment où les autres pays vont eux-aussi chercher à déprécier leur taux de change pour gagner en compétitivité...

 

 2) la baisse des prix du pétrole a trop souvent été vue comme une bonne nouvelle, que j'avais tempérée dans ce billet en rappelant le danger d'une reprise entièrement liée à un facteur exogène et volatil comme le prix du pétrole. De plus, on a tendance à oublier un peu vite que de nombreux pays exportateurs de pétrole connaissent désormais de graves déséquilibres budgétaires en raison de la baisse du prix du baril. Bien entendu, cela conduit également à des difficultés sérieuses pour les entreprises du secteur pétrolier :

 


Pétrole : un secteur menacé

 

3) le corollaire du point précédent est la dégradation des bilans des banques qui ont financé l'industrie pétrolière. Et ce faisant, ce sont toutes les banques qui sont mises sur le gril, et ce n'est parfois que justice, car j'ai toujours encore du mal à comprendre pourquoi les stress tests avaient à ce point rassuré le monde économique. J'avais, dans une tribune publiée dans le Monde, expliqué que le pire était encore à venir, mais bon, nous savons bien que dans les concerts de louanges les Cassandre ne sont jamais écoutés (ni d'ailleurs lors des crises d'après la mythologie...).

 

Il faudra donc surveiller l'évolution du marché interbancaire, celui qui déclencha la crise en 2008, d'autant qu'on se demande bien quel insecte financier a piqué la Deutsche Bank pour que ses dirigeants se sentent obligés de préciser que leur banque n’était pas en faillite ! Est-ce en raison de la reprise des activités risquées de titrisation et autres produits complexes qui avaient pourtant débouché sur la crise de 2007 ?

 

N'oublions pas que la baisse des taux d'intérêt est évidemment lourde de conséquences pour les banques, dont le métier est de transformer des dépôts à court terme en des crédits à long terme, ce que l'on appelle la transformation bancaire. Or, quand les taux longs sont faibles, les banques voient leur marge fondre... Est-ce la raison qui les pousse à inventer, ou augmenter, des frais de gestion et de tenue de compte ? En outre, l'entrée en vigueur de l'Union bancaire fait peser plus de risques sur les actionnaires et déposants bancaires, puisqu'ils sont désormais en première ligne pour le renflouement d'une banque en difficulté.

 

Ainsi, la Société Générale vient d'annoncer une révision à la baisse de son objectif de rentabilité sur fonds propres, due à la hausse des incertitudes et à son exposition au secteur du pétrole et du gaz, qui lui a valu une nouvelle sanction boursière :

 

 

[ Source : Les Échos ]

 

4) enfin, au vu des derniers chiffres, on peut se demander si les États-Unis ne sont pas déjà arrivés au bout de leur cycle de croissance, ce qui revient à se demander si la crise n'est pas en train de guetter de l'autre côté de l'Atlantique... Or, quand les États-Unis toussent, l’Europe s’enrhume !

 

 

[ Source : Natixis ]

 

En définitive, le cours des actions n'est plus corrélé aux fondamentaux des titres, ce qui pose évidemment problème pour les entreprises. Pire, le cours dépendait en fait largement des annonces d'injection de liquidités de la BCE, mais même cette drogue dure a fini par voir son effet s'estomper.

 

Désormais, la crise chinoise, les problèmes des exportateurs de pétrole et les doutes sur la solidité des banques semblent avoir provoqué une remontée phénoménale de l'aversion au risque des investisseurs. Ces derniers se détournent alors des actions pour se replier sur les obligations d'État, d'où l'immense bulle obligataire qui s'est formée depuis la mise en oeuvre du quantitative easing.

 

Or, les bulles ont vocation à exploser, même si les bulles obligataires prennent plus de temps et paraissent, à tort, moins dangereuses aux investisseurs. Faut-il pour éviter la crise obligataire, que la BCE poursuive indéfiniment ses injections de liquidités, sous forme de quantitative easing ? Question subsidiaire : que pourront faire les États européens et la BCE si la bulle devait exploser, sachant que les premiers se sont privés de toutes leurs cartouches et que la seconde tire tous azimuts depuis plusieurs années ?

 

D'ailleurs, qui se souvient encore, dans le flot actuel d'informations, que les analystes de la RBS avaient publié il y a peu une note, où ils montraient que les marchés présentent des caractéristiques proches de celles qui prévalaient avant l’effondrement de la banque Lehman Brothers en 2008 ? Leur préconisation tenait en deux mots : "sell everything" (vendez tout) ! À méditer...

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