Dans un récent billet, j'avais expliqué pourquoi la loi sur le travail portée par Myriam El Khomri est à mon sens une régression sociale majeure, bien qu'elle soit évidemment présentée comme un progrès... Mais forte heureusement, suite à l'importance des mouvements sociaux d'hier, le gouvernement vient de prendre la sage décision d'abandonner ce projet qui, on s'en doute, n'aurait pas manqué de peser très lourd dans la balance électorale en 2017 !
Pourquoi ce projet était une grave régression sociale
La loi portait à croire que le travail existe en volume suffisant pour tous les demandeurs et qu'il suffirait de flexibiliser beaucoup plus le marché du travail pour obtenir le plein-emploi. C'est évidemment une illusion à laquelle seuls des politiques déconnectés de toute réalité (désincarnés ?) peuvent adhérer.
Au reste, qui peut penser un instant qu'allonger le temps de travail des personnes ayant encore la chance d'en avoir un permettra de répondre à l'immense défi que représentent les 5 millions de chômeurs dans ce pays ? Pire, comment peut-on se convaincre que précariser les emplois en CDI servira à créer des emplois ?
De plus, les autres mesures dites de soutien à la compétitivité relevaient d'une incompréhension des mécanismes économiques. En effet, vouloir abaisser les salaires réels pour restaurer la profitabilité peut se défendre. Mais, le faire par une baisse des salaires nominaux est extrêmement dangereux, puisque cela conduit droit à la déflation !
Enfin, la piste de la flexibilisation à outrance est une erreur, comme l'a montré une étude récente du FMI. En effet, pour faire simple, les équipes de recherche du FMI ont cherché à étudier les conséquences de plusieurs réformes structurelles sur la croissance potentielle, au travers de la productivité globale des facteurs. Et parmi celles-ci, se trouve justement un changement de réglementation du travail qui doit évidemment s'entendre comme une flexibilisation et une déréglementation. La conclusion de l'étude est édifiante : aucun effet sur la croissance potentielle à moyen terme et même un effet négatif à court terme !
Emmanuel Macron, qui avait défendu ce projet de loi afin de "permettre d’aligner la France sur le droit de l’Union européenne. C’est le début de l’adaptation de notre économie à la modernité [...]" a depuis mis de l'eau dans son vin, en expliquant sur France Inter que nous avions tous mal compris la finalité de ce texte :
Emmanuel Macron : "Le raisonnement de cette loi... par franceinter
La loi enterrée en catimini
Les manifestants contre la loi travail furent nombreux à battre le pavé hier, entre 390 000 selon la Police et 1 200 000 selon les organisateurs :
Réforme du Code du travail : paroles de manifestants
Le Monde confirme que le gouvernement a mis sur la table toutes les possibilités qui s'offrent à lui :
* utilisation du 49-3 : un suicide politique !
* énième réécriture de certains articles : option délicate
Et contre toute attente, c'est l'abandon pur et simple du texte qui a été décidé en milieu de matinée, ce qui provoque déjà des cris d'orfraie au MEDEF !
Certes, c'était le meilleur choix possible, mais la méthode fut aussi désastreuse dans la forme que le débat sur la déchéance de nationalité.
Hélas...
N.B : l'image de ce billet, qui est bien la seule qui corresponde à la réalité économique actuelle, est issue d'un article de Ouest France.