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30 avril 2016 6 30 /04 /avril /2016 11:06

 

 

Un précédent billet sur la destruction des emplois intermédiaires fut l'occasion d'expliquer pourquoi je ne crois pas un instant à une baisse durable du taux de chômage dans la zone euro, malgré l'optimisme béat qui suivit la publication des derniers chiffres en France. À moins que baisse du chômage ne rime avec ubériseration du monde du travail, c'est-à-dire la transformation des salariés en autoentrepreneurs, mis en concurrence sur un marché coté en continu de la fourniture de service... Dans ce cas, le taux de chômage baissera avec certitude, mais est-ce vraiment le signe d'une amélioration de la situation sociale de la zone euro ?

 

Aujourd'hui, je vais me concentrer sur la politique monétaire et essayer de vous expliquer pourquoi celle-ci n'a pas satisfait les espoirs placés en elle...

 

La politique monétaire dans la zone euro

 

Commençons par deux graphiques, l'un présentant le taux d'inflation des pays de la zone euro en septembre 2015, l'autre l'évolution du taux d'inflation depuis le début de la crise :

 

 

[ Source : Eurostat ]

 

 

[ Source : Eurostat ]

 

Face à une situation d'inflation très faible, qui pourrait potentiellement déboucher sur une déflation, la BCE a pris des mesures fortes d'assouplissement de la politique monétaire dont j'avais parlé dans ce billet notamment. La plus médiatique fut l'annonce d'un quantitative easing de plus de 1 100 milliards d'euros, qui consiste à acheter des titres de dettes (ABS, covered bonds, dettes d'États et d'institutions européennes comme le FESF, le MES ou la BEI) sur le marché secondaire, entre mars 2015 et septembre 2016, pour un volume de 60 milliards d'euros par mois !  

 

La politique monétaire est inefficace dans la zone euro

 

Or, malgré l'injection de tombereaux de liquidités dans l'économie et des taux d'intérêt historiquement bas, à court et long terme, la reprise de la zone euro est poussive si ce n'est fragile.

 

 

[ Source : Banque de France ]

 

 

[ Source : Banque de France ]

 

A bien y regarder, la faible croissance de la zone euro s'explique plus par une conjonction de facteurs favorables (baisse des prix du pétrole et dépréciation de l'euro due partiellement à la hausse du dollar) que par la politique monétaire. A preuve, on peut citer la faiblesse dramatique de l'investissement productif, qui pourtant aurait dû retrouver des couleurs avec cette politique monétaire expansionniste.

 

 

[ Source : Natixis ]

 

Pourquoi la politique monétaire semble inefficace ?

 

Plusieurs réponses peuvent être apportées à cette question :

 

 * le canal de transmission de la politique monétaire par le crédit bancaire ne fonctionne plus

 

En période "normale", les Banques centrales atteignent leurs objectifs grâce à des politiques monétaires conventionnelles basées essentiellement sur l'utilisation des taux directeurs. Le principal taux directeur est le taux d’intérêt auquel les banques commerciales se refinancent auprès de la Banque centrale ; ainsi plus il est élevé plus les banques payent leurs ressources chères, et donc moins elles sont incitées à prêter.

 

Or, dans la zone euro, bien que le principal taux directeur soit déjà tangent à 0, le crédit ne redémarre que très peu. Cela tient aux taux d'endettement encore élevés des ménages et des entreprises de la zone euro, ainsi qu'aux bilans dégradés de certaines banques qui font face à la hausse des créances douteuses et litigieuses.

 

 * les liquidités créées par la BCE servent surtout à spéculer

 

Pour le dire autrement, l'argent injecté dans l'économie à la faveur de l'assouplissement quantitatif, a surtout inondé planète finance et très peu planète économie réelle. De plus, l'inflation reste désespérément faible et les taux d'intérêt réels ne peuvent devenir suffisamment faibles (négatifs) pour soutenir la demande.

 

 * les effets de richesse sont faibles dans la zone euro

 

Rappelons qu'on appelle effets de richesse les hausses de la consommation et des achats immobiliers liées à la très forte augmentation des cours boursiers et des prix de l'immobilier. Or, comme ce sont les plus riches qui détiennent du patrimoine susceptible de voir sa valorisation augmenter, il n'y a pas grand-chose à attendre du côté de la consommation puisque leur propension marginale à dépenser est faible.

 

 

En définitive, la politique monétaire s'avère inefficace et pourtant on parle de redoubler d'efforts dans cette voie, notamment en prolongeant le quantitative easing après 2016. Et si on pensait un peu à soutenir la demande en augmentant les salaires pour les moins riches ? Cela permettrait de relancer bien plus efficacement l'économie réelle, puisque leur propension marginale à consommer est la plus élevée et que cela déboucherait donc sur une reprise sérieuse de la consommation. Mais ça, c'est de la politique budgétaire et les institutions européennes n'en veulent plus au nom de l'équilibre budgétaire...

 

N.B : l'image de ce billet provient de cet article de la Tribune.

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commentaires

J
Autre petite remarque sur les statistiques: le taux de chômage des jeunes serait en chute libre depuis 1 an.<br /> <br /> Comment dans ce constat comptabilise t-on les 100 000 jeunes inscrits en catégorie A qui en 1 an sont sortis de cette statistique en intégrant le Service Civique? Doit-on vraiment considérer qu'ils sont en emploi et plus chômeurs?<br /> <br /> A méditer...
Répondre
R
À méditer en effet...
J
De l'intérieur du Service Public de l'Emploi, tout le monde a pu constater qu'il y a une corrélation très nette entre la dématérialisation de l'inscription à Pôle-Emploi effective depuis le début d'année et les radiations pour défaut d'actualisation depuis janvier.<br /> <br /> En clair, avant vous rencontriez un conseiller pour vous inscrire qui vous expliquait l'importance de l'actualisation en fin de mois, maintenant vous le faites seul face à votre ordinateur et, préoccupé par une procédure importante et un peu longue, vous ne lisez pas la petite ligne qui vous en informe.<br /> <br /> Lors du fameux bug SFR/Pôle-Emploi il y avait eu environ 180 000 radiations anormales et tout le monde s'en était ému, criant au traficotage statistique. Ce mois-ci il y en a eu 225 000 et ça ne fait réagir personne.<br /> <br /> Alors je ne dis pas qu'il y a formellement bidouillage, mais j'émets l'idée que ce serait bien de creuser pour comprendre et d'être cohérent: 225000 c'est beaucoup plus que 180000!....
Répondre
L
Je reviens d'Allemagne, après un court contrat en France, je suis au chômage. Ca fait 1 mois que je demande le formulaire européen U1 à l'Arbeistagentur de là où je travaillais pour percevoir mes allocations chômage en France. Je suis obligé d'en appeler à Solvit rattaché à la commission européenne.<br /> <br /> En Allemagne, toutes les données concernant un chômeur sont rentrées par un agent lors d'un entretien.<br /> <br /> En France, c'est tout par internet et ils rejettent les documents qu'on leur télécharge pour des motifs tous plus ubuesques les uns que les autres.<br /> <br /> Si vous leur téléchargez un document comprenant ne serait ce que 2 bulletins de paye, c'est rejeté. Il faut télécharger les bulletins un par un.<br /> <br /> Si le fichier fait plus de 1 mégaoctets, c'est refusé. Donc il faut trouver des astuces pour compresser le fichier, et pas tout le monde sait faire ca.<br /> <br /> Les salaires en France dans mon domaine, innovation et industrie, sont grotesquement bas par rapport à l'Allemagne, la GB, les USA ou la Suisse.<br /> <br /> J'ai baissé mon salaire de 25% pour revenir en France. Les postes qu'on me propose en ce moment sont jusqu'à 50% moins payés en France qu'en Allemagne.<br /> <br /> Et après, ces crétins du MEDEF et du gouvernement veulent réindustrialiser la France, promouvoir l'innovation.<br /> <br /> Ca devient grave, ca va mal se finir cette histoire...
R
Très bonne remarque, qui montre au demeurant que certaines informations quittent un peu trop vite le champ du radar médiatique...

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