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18 juin 2019 2 18 /06 /juin /2019 14:59

 

 

Après de nombreux billets sur les problèmes structurels de la zone euro et une incursion outre-Atlantique pour évoquer la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, il m'a semblé indispensable de revenir sur la question des taux d'intérêt. En effet, lors de mes conférences et interventions j'ai pu constater combien cette situation de taux d'intérêt extrêmement bas semblait être devenue la norme pour nombre de personnes. Or, à moins de vouloir se bercer d'illusions, phénomène très à la mode j'en conviens, il faudra bien un jour que les taux d'intérêt représentent à nouveau quelque chose de concret, comme je l'ai expliqué dans mon dernier livre, Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’économie (Ellipses)... 

 

Pourquoi les taux d'intérêt à court et long termes sont-ils si faibles ?

 

Que le lecteur se rassure, je ne compte pas lui faire de grands développements mathématiques, mais juste lui expliquer comment les économistes ont depuis longtemps pensé la relation entre inflation et taux d'intérêt. Selon Irving Fisher, le taux d'intérêt nominal est égal à la somme du taux d'intérêt réel (celui qui se forme sur le marché des biens et services) et du taux d'inflation anticipée. Autrement dit, selon cette vision, les deux causes de variations du taux d'intérêt nominal sont la variation du taux d'intérêt réel et la variation du taux d'inflation (anticipée).

 

Dès lors, regardons l'évolution du taux d'inflation réalisée, qui sert aux agents économiques pour faire leur prévision :

 

 * en France

 

 

[ Source : INSEE ]

 

 * dans la zone euro

 

 

[ Source : Eurostat ]

 

Le taux d'inflation reste donc globalement faible, ce qui conduit les agents économiques à anticiper a priori des taux d'intérêt faibles toutes choses égales par ailleurs.

 

De plus, avec le ralentissement de la croissance dans la zone euro, le risque d'une nouvelle crise et les problèmes structurels de la zone euro, la BCE n'a aucune raison de remonter ses taux directeurs, elle qui avait fait le choix de laisser son principal taux directeur à zéro, contrairement à la Banque centrale américaine (Fed) :

 

Principal taux d'intérêt directeur de la BCE

 

 

[ Source : Bloomberg ]

 

Ainsi, les taux d'intérêt à court terme sont très faibles dans la zone euro, ce qui a priori se transmet aux taux d'intérêt à long terme et rend donc ces derniers faibles, toutes choses égales par ailleurs. En outre, l’épargne très abondante au sein de la zone euro exerce une pression à la baisse sur les taux d'intérêt à plus long terme.

 

Ces derniers peuvent du reste être vus, en première approche, comme la somme du taux d'intérêt sans risque d'un État et d'une prime de risque. Or, les taux souverains demeurent globalement faibles dans la zone euro. Dans certains pays comme l'Allemagne, on arrive même à une situation absurde où les taux d'intérêt nominaux deviennent négatifs, ce qui revient à dire que les investisseurs acceptent de payer pour avoir le droit de prêter des fonds à l'État allemand !

 

 

[ Source : Natixis ]

 

Rien d'étonnant dans ces conditions que les taux sur le marché de l'immobilier soient parfois très faibles, comme c'est le cas en France sous certaines conditions :

 

 

[ Source : https://www.meilleurtaux.com ]

 

Les conséquences des taux d'intérêt faibles

 

Pour ne pas alourdir ce billet, voilà quelques conséquences possibles :

 

 * les banques, dont le métier est a priori de faire de la transformation de ressources à court terme en crédits à long terme, sont très embarrassées par l'aplatissement de la courbe de taux d'intérêt qui réduit leur marge d'intérêt. Rappelons que cette courbe est une représentation graphique de la relation entre la valeur des taux d'intérêt et leurs termes, c'est-à-dire le rendement annuel offert pour une même obligation à des maturités différentes :

 

Courbe de taux pour la France

 

 

[ Source : Boursorama ]

 

 * les prix de l'immobilier vont continuer à être soutenus par des taux d'emprunt extrêmement faibles, ce qui peut conduire à la formation d'une bulle ou tout simplement à l'exclusion de nombreux ménages de l'accession à la propriété d'autant que les salaires sont loin de suivre le mouvement ;

 

 * l'euro ne pourra pas s'apprécier face au dollar, malgré l'État des balances courantes dans les deux zones ;

 

 * les entreprises, même les moins efficaces, peuvent survivre à la faveur de cette baisse de taux sur les emprunts, phénomène très bien documenté en Chine avec ce que l'on convient d'appeler les entreprises zombies.

 

En définitive, contrairement à une idée reçue, lorsque les taux d'intérêt bas restent aussi bas pendant une si longue période, cela est indubitablement le symptôme d'une économie malade ! Gare à la crise qui vient...

 

P.S. : l'image de ce billet provient de cet article du site http://www.loeildelimmobilier.com

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