Le président de la République, Nicolas Sarkozy, a décidé de créer un comité d'experts qui aura pour mission de réfléchir à un nouvel instrument de mesure de la croissance, plus qualitatif, que le produit national brut (PNB). Ce comité sera placé sous l'autorité de 2 prix Nobel d'économie : l'Indien Amartya Sen, auteur de travaux sur les inégalités et sur le développement humain, et le néokeynésien américain Joseph Stiglitz.
Rappelons que ce débat sur la mesure de la richesse est assez ancien et a mobilisé de nombreuses personnes déjà. J'avais rédigé un article pour expliquer que le PIB est un indicateur bien primaire pour mesurer la richesse produite par un pays. En effet, il ne tient compte que des productions qui peuvent être évaluées monétairement. Ainsi, le travail en association en qualité de bénévole n'est pas compté comme une richesse, alors qu'il contribue indubitablement au bien-être des personnes. Au contraire, les frais de dépollution qui suivent une marée noire sont considérés comme des richesses dans le PIB. L'aspect quantitatif pose donc des problèmes sérieux d'évaluation de la vraie richesse produite. D'ailleurs, en 2000, le gouvernement avait confié à Patrick Viveret, philosophe et conseiller référendaire à la Cour des comptes, la mission de rédiger un rapport sur la méthodologie d'évaluation de la richesse. Ce rapport, intitulé Reconsidérer la richesse, passe en revue l'ensemble des problèmes posés par l'utilisation du PIB.
Alors pourquoi revenir sur cette question en installant un n-ième comité d'experts ? De plus, celui-ci ne risque-t-il pas de faire de l'ombre à la commission Attali sur la croissance ? La réponse est très certainement beaucoup plus politique : Monsieur Sarkozy ne sachant plus très bien comment poursuivre la fable du pouvoir d'achat, il semble qu'il veuille à présent changer le thermomètre qui nous sert, imparfaitement certes, à mesurer le mal...