Il y a quelque temps, un étudiant me demandait ce que signifiait l'expression "banquier du monde" qui sert souvent à qualifier les États-Unis. Comme je pense que cela peut également intéresser les lecteurs de mon blog, j'ai décidé de rédiger un court billet ce sujet, après mes billets sur les dépenses publiques, le prix de l'électricité, la pensée de Cornelius Castoriadis et Robert Owen, père fondateur du mouvement coopératif.
Le système monétaire international de 1990 à 2008
Du début des années 1990 à 2008, le système monétaire international se caractérisait par les éléments suivants :
* des flux de capitaux de long terme en provenance des pays de l’OCDE et à destination des émergents (Chine incluse), en raison de la forte rentabilité du capital et d'un faible coût salarial unitaire ;
* une balance commerciale largement et structurellement excédentaire dans les pays émergents ;
* une accumulation massive de réserves de change par les pays émergents, pour éviter l'appréciation trop importante de leur monnaie. Comme rappelé dans ce billet, le plus souvent, en fait de devises, ce sont plutôt des titres en devises (essentiellement des bons et obligations du Trésor en dollars) qui constituent les avoirs de réserve. Ces réserves de change permettent alors aux Banques centrales d'intervenir sur le marché des changes afin de réguler les taux de change, et de maintenir la confiance dans leur monnaie.
Ce système monétaire international était favorable à la croissance mondiale, en ce que les États-Unis s'endettaient auprès de la Chine pour lui acheter ensuite des produits peu chers, d'où le creusement de la balance commerciale aux États-Unis et l'augmentation des réserves de change en Chine.
Le banquier du monde
Au vu de la brève présentation ci-dessus, l'on commence à comprendre le rôle des États-Unis dans le fonctionnement du système monétaire et financier international, que l'on qualifie de "banquier du monde" :
* le pays fournit un actif sans risque, lié au "privilège exorbitant du dollar", qui est très demandé dans le monde entier ; cet actif est bien entendu la dette publique des États-Unis, ce qui revient à dire que le pays a traditionnellement une dette extérieure brute composée essentiellement de dette publique ;
[ Source : Natixis ]
* en contrepartie des titres de dette publique achetés par les non-résidents, les États-Unis voient des flux de capitaux entrer dans le pays dont ils se servent pour financer des investissements partout dans le monde en capital ; cela équivaut à dire que les États-Unis ont traditionnellement des avoirs extérieurs bruts composés essentiellement d’actions et d’autres titres liés à l'investissement.
[ Source : Natixis ]
Dit de manière ultra-simplifiée, les États-Unis vendent des titres de leur dette publique à l'étranger et investissent l'argent récupéré dans des entreprises étrangères risquées. Par analogie avec une banque, l'actif est risqué mais le passif est sans risque.
Toute la question est alors de savoir si en l'état actuel de l'économie mondiale, et en particulier celle des États-Unis qui souffre toujours d'un manque d'épargne de la nation leur faisant accumuler structurellement de la dette extérieure, les États-Unis pourront conserver ce rôle. D'autant que la Chine est en embuscade...