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6 décembre 2022 2 06 /12 /décembre /2022 12:59

 

Je sais bien que la réforme des retraites n'a rien d'un sujet très engageant en cette période de fêtes de fin d'année. Mais comme Élisabeth Borne, Premier ministre, a décidé d'ouvrir les hostilités dès le mois de décembre, il me semblait judicieux de revenir brièvement sur le sujet, après mes billets sur l’atterrissage économique en France, la panique dans le monde des cryptos et la récession.

 

La grande peur

 

Plutôt que de s'adresser à la raison des Français, le gouvernement a choisi de communiquer ad nauseam sur la crainte de voir le système de retraites s'effondrer, bref de jouer sur la peur de l'avenir, dans un contexte déjà particulièrement anxiogène. Mais pour donner un semblant de consistance rationnel à cette réforme, les cabinets de conseil ont visiblement suggéré à Élisabeth Borne d'ajouter un argument de justice sociale et d'employabilité des seniors : 

 

 

Le lecteur notera que la discussion avec les partenaires sociaux, vent debout contre l'allongement de l'âge de départ en retraite, est ramenée au rang de simple formalité légale. Mais, en fin de compte, cette réforme n'est-elle pas indispensable pour assurer la pérennité du système de retraite ?  C'est ce que tendent à dire de nombreux commentateurs patentés... Et pourtant, le diable se cache dans les détails !

 

Les perspectives du système de retraite à court terme

 

Pour justifier de l'importance d'une réforme, le gouvernement s'appuie sur les chiffres du Conseil d’orientation des retraites (COR) qui, depuis 2014, produit un rapport annuel sur les perspectives du système de retraite. La dernière mouture, publiée en septembre dernier, 2021, montre que les dépenses du système de retraite équivalaient à 13,8 % du PIB et qu'elle resterait stable jusqu’en 2027, quel que soit le scénario retenu :

 

 

[ Source : Rapport COR septembre 2022 ]

 

Et l'évolution après 2027 ? Comme le pointent avec justesse les excellents travaux de l'économiste Michaël Zemmour, la forte augmentation prévue entre 2027 et 2032 de ce ratio résulte d’un fort recul purement technique du PIB. Pour le dire simplement, comme le COR est contraint de fonder son analyse sur l’hypothèse gouvernementale d’un taux de chômage à 5 % en 2027, alors même que tout le reste du rapport est bâti sur un taux plus vraisemblable à 7 %, il doit ajouter une contraction fictive du PIB entre 2027 et 2032. Et comme cette institution est sérieuse, elle l'écrit dans son rapport (p. 12) : « Il s’agit là d’un artefact lié à la méthode de projection : rien ne permet bien sûr d’anticiper que la conjoncture économique sera particulièrement déprimée sur la période 2027-2032 ».

 

Les perspectives du système de retraite à long terme

 

Entre 2032 et 2070, le graphique ci-dessus montre que la plupart des scénarios conduisent à une baisse de cette dépense en pourcentage du PIB. Que vaut alors l'argument selon lequel le vieillissement de la population française conduirait inexorablement à la faillite du système de retraite ? Le COR s'en explique à la page 12 : "Ce résultat peut sembler contre-intuitif au regard du vieillissement démographique attendu qui viendra inéluctablement peser sur les dépenses de retraite futures, en alourdissant le nombre de retraités relativement au nombre de cotisants. Cette évolution démographique défavorable est contrebalancée, d’une part par le recul de l’âge de départ à la retraite qui passerait de 62 ans à 64 ans du fait des réformes déjà votées ; et, d’autre part, par la moindre augmentation du niveau de vie des retraités relativement aux actifs".

 

En ce qui concerne la stabilisation, voire la diminution, de la part des dépenses de retraite en pourcentage du PIB, elle a donc pour "contrepartie la diminution relative – et non absolue – du niveau de vie des retraités par rapport à l’ensemble de la population" (ibid.) :

 

 

[ Source : Rapport COR septembre 2022 ]

 

Aucune urgence à réformer le système des retraites

 

Dans ces conditions, peut-on affirmer comme le répètent en chœur certains relais cathodiques du gouvernement que les dépenses de retraite sont hors de contrôle ? Certes, le COR prévoit un système déficitaire en moyenne sur les 25 prochaines années :

 

 

[ Source : Rapport COR septembre 2022 ]

 

Mais rien d'insupportable pour les finances publiques, comme l'exprime très bien le Cor (page 13) : "En revanche, les résultats de ce rapport ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite". Si le gouvernement tenait à tout prix à combler ce déficit à venir, ce qui est curieux au vu du contexte défavorable actuel, il lui suffirait comme l'écrit Michaël Zemmour, par exemple de "revenir sur les exonérations de cotisations les plus inutiles", de "soumettre l’épargne salariale à cotisations retraite", de "ralentir le remboursement de la dette sociale", de "revenir sur la baisse de la CVAE" et "d'augmenter les cotisations de 0,8 point d’ici 2027". Tout cela à cadre constant et donc sans hausse de l'âge minimal de départ à la retraite.

 

Est-il alors urgent de réformer globalement le système de retraites ? La réponse du COR est plus prudente, car l'institution ne saurait faire de préconisation politique, mais elle en dit long (page 13) : "Au regard de ces résultats, il ne revient pas au COR de se positionner sur le choix du dimensionnement du système de retraite. Selon les préférences politiques, il est parfaitement légitime de défendre que ces niveaux sont trop ou pas assez élevés, et qu’il faut ou non mettre en œuvre une réforme du système de retraite. En particulier, même si les dépenses de retraites se stabilisent en part de PIB sur la période 2022-2027, leur rythme d’évolution spontanée ne semble pas compatible avec les objectifs du gouvernement inscrits dans le programme de stabilité de juillet 2022, même si tous les membres du COR ne se sentent pas liés avec ces objectifs. Pour tenir ces objectifs, la croissance des dépenses publiques devrait être limitée à 0,6 % en volume entre 2022 et 2027. Or les dépenses de retraites qui représentent le quart de ces dépenses publiques progresseraient sur la période de 1,8 % en termes réels".

 

La vraie raison ?

 

Cette réponse du COR nous donne une piste intéressante pour comprendre l'empressement du gouvernement à vouloir mener cette réforme : et s'il s'agissait tout simplement de réduire les dépenses publiques, programme idéologique sur lequel j'ai souvent écrit (par exemple ici) ? Dans ce cas, l'équilibre du système des retraites ne serait qu'un prétexte pour mener une réduction draconienne des dépenses publiques, comme cela affleurait déjà au moment du Grand déba(llage) national durant la crise des gilets jaunes.

 

Pour le dire simplement, l'idéologie sous-jacente repose sur l'idée que si les dépenses publiques baissaient, alors il serait possible de diminuer concomitamment les impôts prélevés sur les entreprises, suivant un schéma vertueux : baisse des impôts et cotisations sur les entreprises => hausse des marges => hausse de l'investissement => hausse des emplois. Les plus attentifs de mes lecteurs auront certainement reconnu là un enchaînement popularisé par le chancelier ouest-allemand Helmut Schmidt en 1974 et qui lui vaut désormais le nom de théorème de Schmidt. Sauf que ce théorème a tellement bien fonctionné dans nos économies, que l'on avait fini sinon par l'oublier au fil des ans au moins par le mettre au placard des curiosités économiques. Hélas, comme tous les concepts "zombie", ils finissent par revenir d'outre-tombe...

 

Le pire, dans le cas présent, est que le gouvernement a contribué non seulement à la hausse de certaines dépenses publiques, mais aussi à la réduction des recettes qui devaient les financer (exonérations de cotisations sociales, baisse de la taxe d'habitation, de la CVAE et autres réductions d'impôts...). Après, il devient facile de crier au loup et d'évoquer la faillite du système social français. En définitive, la réforme des retraites est en passe devenir le marqueur de l'idéologie néolibérale à la française, qui vise la réduction des dépenses publiques "quoi qu'il en coûte" !

 

P.S1. Pour ne pas alourdir cet article déjà passablement long, je n'ai pas traité l'argument d’employabilité du Premier ministre, tant il est déconnecté de la réalité vécue par les seniors après 55 ans (et parfois moins !). Qu'il suffise de jeter un œil aux chiffres des personnes en emploi après 60 ans, pour se convaincre qu'un relèvement de l'âge légal de départ en retraite, qui plus est dans le contexte dégradé actuel, augmentera le nombre de personnes envoyées directement dans le sas de précarité (pas vraiment en emploi, pas encore en retraite, donc potentiellement au RSA)...

 

P.S2. Quant à l'argument de justice sociale, j'en reste coi ! Comment évoquer la justice sociale, alors qu'il existe de telles différences entre homme et femme, entre durée de vie en retraite des plus modestes et des plus aisés, etc. ?

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