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Les mécanismes de l'économie 3

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13 juin 2017 2 13 /06 /juin /2017 12:25

 

 

Depuis le Brexit et surtout l'élection de Donald Trump, nous sommes entrés dans un monde dominé par l'incertitude. Or, qui dit incertitude dit pression sur les taux d'intérêt et possible dégradation de la solvabilité des États membres de la zone euro. Ce billet va donc examiner quels sont les risques qu'une telle hausse des taux d'intérêt ferait courir aux finances publiques des pays européens.

 

Une hausse des taux d'intérêt prévue des deux côtés de l'Atlantique

 

En dehors du séisme politique Trump et de l'incertitude qu'il a fait naître, une hausse des taux d'intérêt, déjà partiellement visible, peut être anticipée pour plusieurs raisons économiques.

 

 

[ Source : Boursorama.com ]

 

Tout d'abord, aux États-Unis la relance voulue par Trump alors que l'économie se situe au plein-emploi entraînera des tensions inflationnistes sur les salaires qui, cumulées à une hausse probable des prix du pétrole, conduiront à de l'inflation et une hausse des taux d'intérêt à long terme.

 

 

[ Source : Natixis ]

 

Or, comme les taux d'intérêt à long terme dans la zone euro restent corrélés à ceux des États-Unis, on devrait assister à une hausse des taux longs en Europe. De plus, si les prix du pétrole augmentent, la BCE devra réagir par un resserrement de sa politique monétaire, quand bien même les salaires resteraient à la remorque, puisque son objectif principal est la stabilité des prix liée au taux d'inflation totale.

 

 

[ Source : Boursorama.com ]

 

En particulier, il faudra bien que la Banque centrale européenne mette un jour un terme à l'assouplissement quantitatif (Quantitative easing) sauf à risquer la formation de bulles sur les actifs qu'elle rachète (pour agrandir, clique-droit sur l'image et choisissez "afficher l'image") :

 

 

[ Source : Les Échos

 

Les effets sur la solvabilité des États de la zone euro

 

Au vu des niveaux très élevés de dette publique atteints dans certains États, l'inquiétude sur leur solvabilité est légitime d'autant que la croissance semble être devenue l'Arlésienne des dirigeants politiques !

 

 

[ Source : Eurostat ]

 

Intéressons-nous donc au service de la dette, c'est-à-dire essentiellement aux intérêts payés sur la dette publique. La remontée des taux d'intérêt à long terme devient dangereuse si ces derniers en viennent à dépasser le taux d’intérêt moyen sur l’ensemble du stock de la dette publique, car alors le taux d'intérêt apparent sur la dette publique (=intérêts payés sur la dette publique/dette publique) augmente et pèse sur les finances publiques.

 

Je fais grâce aux lecteurs de tous les graphiques, mais il apparaît à peu près évident que l'Italie aura beaucoup de mal à faire face à une hausse trop importante des taux à long terme dans le contexte actuel de crise, caractérisé par une croissance faible et une extrême fragilité de son système économique et bancaire. Serait-ce le prélude à une nouvelle crise de la zone euro ? À moins que les négociations léonines menées avec la Grèce ne ravivent déjà les tisons de la précédente crise de la dette publique...

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6 juin 2017 2 06 /06 /juin /2017 11:19

 

 

Une élection est toujours le moment où l'on fait dire n'importe quoi aux sondages, d'autant plus que nombre de politiques imaginent qu'ils constituent le seul moyen tangible d'appréhender l'opinion publique, instituant de la sorte le règne des médias et des sondeurs... Aujourd'hui, je vous propose donc après mes billets politiques (la politique économique selon Macron, l'absence de choix et la crise qui couve et les vrais résultats de l'élection présidentielle) quelques explications simples sur la fabrication des sondages et les limites dans leur interprétation.

 

Qu'est-ce qu'un sondage ?

 

Tout d'abord, on appelle sondage une enquête statistique d’opinion basée sur un échantillon. En effet, interroger toute la population serait à la fois fastidieux et hors de prix, alors on se contente d'une partie de la population que l'on souhaite représentative de l'ensemble. Cela exclut donc les votes dits de paille, c'est-à-dire les questions que l'on vous propose dans les journaux et auxquelles tout un chacun peut répondre quitte à appeler tous ses amis pour faire pencher le résultat dans un sens ou dans l'autre.  

 

En France, la loi du 19 juillet 1977, telle que modifiée par celle du 25 avril 2016, définit le sondage à son article premier dans les termes suivants : "un sondage est une enquête statistique visant à donner une indication quantitative, à une date déterminée, des opinions, souhaits, attitudes ou comportements d’une population par l’interrogation d’un échantillon". Elle interdit strictement, du vendredi minuit au dimanche 20 heures, toute diffusion de sondages relatifs à l’élection présidentielle.

 

Comment est fabriqué un sondage ?

 

Pour couper court à trop de critiques, le sondage est normalement accompagné d'une notice qui précise comment il a été créé : taille de l’échantillon et méthode retenue pour le constituer, date, méthode d’administration, marge d'erreur, etc. Précisons un peu ces mots.

 

 * Taille de l'échantillon : intuitivement, tout le monde comprend que plus l'échantillon est de grande taille, plus la marge d'incertitude se réduit. L'idéal, inatteignable pour des raisons de coûts, serait bien entendu d'interroger toute la population. D'où, en général, des échantillons de 1 000 personnes.

 

 * Méthode des quotas : contrairement à la méthode aléatoire où les personnes de l'échantillon sont tirées au sort, la méthode des quotas consiste à interroger un échantillon de personnes qui ont les mêmes caractéristiques socio-démographiques que l’ensemble de la population (sexe, âge, catégorie socio-professionnelle,...).

 

 * Marge d'erreur : il faudrait en toute rigueur parler de marge d'incertitude liée au fait qu'un sondage effectué sur un échantillon donne un résultat évidemment différent de celui que l'on obtiendrait en interrogeant toute la population. Ainsi, si l'on utilise un échantillon de 1 000 personnes, qui est du reste la taille usuelle, la marge d'erreur pour la méthode aléatoire est de 3 %. Elle est de 2 % pour un échantillon de 5 000 personnes et de 1 % pour 10 000 personnes...

 

Cela ne veut pas dire que la "vraie" valeur se situe nécessairement dans un intervalle compris entre plus ou moins 3 % de celle trouvée. Au contraire, il faut encore fixer un seuil de confiance pour l'intervalle trouvé, par exemple à 95 %. Dans ces conditions, si l'on prélève un grand nombre d'échantillons de même taille dans cette population, bref que l'on refait plusieurs fois de suite le même sondage, 95 % des intervalles calculés contiennent la vraie valeur du paramètre à estimer. On ne peut donc absolument pas en déduire comme le font certains journalistes, que si deux candidats ont des intentions de vote proches (donc une différence inférieure à la marge d'erreur de 3 % par exemple), alors l'élection reste indécise. Bien au contraire, à ce moment donné l'un des candidats peut être largement en tête, mais l'erreur d'échantillonnage, entre autres, ne permet pas de la voir... Ce sont les limites des sondages ! 

 

 * les méthodes d'administration : on peut réaliser un sondage en face-à-face, par téléphone (méthode CATI pour Computed Assisted Telephone Interviewing) ou par Internet (méthode CAWI pour Computed Assisted Web Interviewing).

 

Les limites d'un sondage

 

Commençons par rappeler que seule la méthode aléatoire permet de mesurer la marge d'erreur, contrairement à la méthode des quotas, même si les sondeurs affirment le contraire (exemple chez IPSOS) : "l’inconvénient majeur de la méthode des quotas est de ne pas permettre de calculer scientifiquement la marge d’erreur du sondage. Les lois statistiques qui permettent de la déterminer ne valent théoriquement que pour les sondages aléatoires. En pratique, on considère cependant que la marge d’erreur des sondages par quotas est égale ou inférieure à celle des sondages aléatoires". Curieux, vous avez dit curieux ?

 

D'ailleurs, il suffit de regarder la différence entre le niveau d'études des sondés en février et celui des inscrits sur les listes électorales pour avoir des doutes sur la représentativité des échantillons :

 

 

[ Source : Les Échos ]

 

Au surplus, le phénomène de non-représentativité est amplifié à une époque comme la nôtre où l'anti-système est devenue une valeur cardinale, puisque certains refusent de répondre aux sondeurs tandis que d'autres sont surreprésentés comme le montre cette tribune, ce qui fausse évidemment l'interprétation des résultats obtenus...  Mais il est aussi important de remarquer que la marge d'erreur est uniquement liée à l'échantillonnage et ne dit donc rien des éventuels biais, mensonges des répondants et autres erreurs de réalisation. Et encore, répétons-le, la méthode des quotas, retenue le plus souvent pour faire des sondages, ne permet pas de calculer une marge d'erreur malgré les belles paroles des sondeurs doxocrates.

 

En dehors de cela, j'ai tendance à me méfier des sondages réalisés sur Internet, ne serait-ce qu'en raison du nombre élevé de biais de cette méthode d'administration liés au problème de la représentativité des personnes possédant Internet (défaut de couverture), de l'éventuelle rémunération des sondés, etc. Le plus surprenant est que face à des biais et des mensonges possibles (notamment sur le vote pour les extrêmes), les sondeurs organisent une petite cuisine interne tenue secrète appelée redressement... Elle consiste à tenir compte des différences constatées entre les résultats de la précédente élection et les sondages réalisés à cette même époque, pour tenter de corriger les biais actuels (sic !).

 

Ajoutez à cela la forte volatilité du vote, les citoyens ne sachant plus très bien à quel saint laïc(ard) se vouer tant ils ont été échaudés ces dernières années par les promesses de campagne non tenues, et vous comprendrez pourquoi faire confiance aux sondages est sinon une pure folie au moins un exercice de foi ! Pour tenter d'étudier l'indescriptible opinion publique, il faut aussi analyser les flux sur les réseaux sociaux, les livres achetés, etc. Mais comme les sondeurs doxocrates (Platon aurait plus certainement parlé de doxosophes...) trouvent toujours une explication pseudo-scientifique à leurs erreurs, ils finissent de la sorte par avoir toujours raison !

 

Pierre Bourdieu, dans un texte célèbre publié dans Questions de sociologie en 1978, nous mettait en garde contre les sondages qui présupposent que les individus sondés se sont nécessairement déjà posé la question du sondage et qu'ils ont un avis. Dès lors, le sondage ne mesure pas l’opinion préexistante, mais construit une représentation d’une opinion publique, ce qui fait dire à Pierre Bourdieu que dans ce cas "l'opinion publique n'existe pas" en ce qu'elle naît d'une construction suite à un sondage. Cela se voit assez nettement dans la surreprésentation des réponses moyennes du type  "assez d’accord" et "pas tout à fait d’accord".

 

Tout cela ne serait qu'un artefact de la vie politique, si les candidats et représentants élus ne se servaient des résultats des sondages pour orienter leurs politiques et même parfois leurs discours à chaque livraison d'études... Max Weber, qui distinguait les deux éthiques de l'action politique, l'éthique de conviction basée sur le principe kantien du devoir et l'éthique de responsabilité, prend subitement un coup de vieux !

 

Je renouvelle donc les conclusions de mes deux précédents billets (ici et ) : la communication politique à outrance, de par sa simplification des problèmes qui confine désormais à la caricature et permet de parler de tout sans rien en connaître, fait glisser notre démocratie - si tant est qu'elle existe encore malgré les apparences - vers une doxocratie comme l'appelle Jacques Julliard, c'est-à-dire un régime politique où l’opinion influence directement les décisions du pouvoir.

 

Pour finir, si le coeur vous en dit, Envoyé spécial avait consacré une émission à la fabrication des sondages :

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30 mai 2017 2 30 /05 /mai /2017 10:38

 

 

Après une série d'analyses sur la situation économique en France (l'utilité des dépenses publiques, l'équilibre du budget de la Sécurité sociale, le chômage des plus de 50 ans, le revenu universel, la politique économique selon Macron et la flexisécurité), j'ai élargi le périmètre à l'Allemagne avec un billet sur les conditions de l'offre. Aujourd'hui, nous allons prendre le large et nous intéresser aux problèmes économiques de la Chine ! À la fin de mon billet, le lecteur intéressé trouvera un petit supplément plus technique sur les réserves de change.

 

Petits rappels sur l'économie chinoise

 

Le taux de croissance en Chine, dont la moyenne était de 10 % sur la période 1980-2014 (avec des pics officiels à 16 %, probablement plus officieusement), ralentit inexorablement depuis 2010, pour ne se maintenir qu'à la faveur des vieilles recettes basées sur les investissements (plus ou moins publics) dans l'immobilier et les infrastructures :

 

 

[ Source : http://philippewaechter.nam.natixis.com ]

 

Le ralentissement du taux de croissance en Chine est dû à plusieurs facteurs dont j'ai souvent parlé sur mon blog. Tout d'abord, la Chine cherche à rééquilibrer son processus de croissance, c'est-à-dire à passer d'un modèle de croissance tiré uniquement par les industries exportatrices à une croissance plus équilibrée basée sur la consommation des ménages et les services.

 

Cependant, tandis que l'industrie ancienne, intense en main-d'oeuvre, stagne, les services et la consommation intérieure n'ont pas encore pris le relais. Une telle transition est en règle générale très difficile à mener, surtout dans un pays aussi grand et peuplé. Or, plus elle prend de temps et plus cela risque de conduire à de graves problèmes sociaux, car en attendant les jeunes diplômés se retrouvent en difficulté et les plus vieux craignent de perdre leur emploi...

 

De plus, puisque l'économie mondiale tourne au ralenti, la demande adressée à la Chine reste faible. Et je ne parle même pas de la démographie, qui demeure très défavorable en Chine (vieillissement et population active en stagnation). Quant à la compétitivité-prix de la Chine, celle-ci s'est dégradée sensiblement en raison de la hausse rapide des coûts salariaux unitaires. Rappelons que cette hausse est, pour l'essentiel, le résultat du changement de modèle économique désiré par les autorités chinoises, puisque les augmentations de salaires doivent conduire à une hausse du pouvoir d'achat des consommateurs et donc au rééquilibrage du processus de croissance.

 

Enfin, il faut se souvenir que les marchés financiers chinois s'enrhument souvent ces derniers temps. Ainsi, au mois de juillet 2015, on avait assisté à un retournement spectaculaire du cours des actions sur les marchés chinois, avec une chute moyenne de près de 30 %. 

 

Un endettement très élevé

 

Certes, la croissance de la Chine reste très élevée, mais en raison essentiellement des politiques de relance menées par l'État comme le montre l'évolution du déficit public et du crédit :

 

 

[ Source : Natixis ]

 

À propos de crédit, l'endettement total du pays est devenu si important - 260 % du PIB en 2016 contre 160 % en 2008 selon Bloomberg Intelligence ! -, que l'agence de notation Moody's a décidé de dégrader la note souveraine de la Chine pour la première fois depuis 1989... S'agit-il d'un moment Minsky ?

 

 

[ Source : https://www.businessinsider.com.au ]

 

Même le très policé FMI reprochait récemment au gouvernement chinois de privilégier une croissance de court terme trop dépendante du crédit. Or, si ce dernier décidait de remonter ses taux d'intérêt et de réduire la liquidité pour empêcher le surendettement, le risque serait grand de donner un coup d'arrêt à l'activité.

 

Des difficultés malgré un taux d'épargne très élevé

 

Malgré un déficit public qui se creuse, le taux d'épargne de la nation demeure très élevé en Chine :

 

 

[ Source : Natixis ]

 

Pourtant, on assiste à une dépréciation du yuan et une perte de réserves de change, ces dernières étant utilisées précisément pour empêcher la monnaie de trop se déprécier face au dollar américain.

 

 

[ Source : Boursorama.com ]

 

 

[ Source : Natixis ]

 

Comme le savent mes étudiants qui viennent parfois lire mes billets et qui connaissent désormais bien la balance des paiements, cela tient au fait que l'excédent de la balance courante est plus que compensé par les sorties de capitaux depuis 3 ans. Les taux d'intérêt faibles en Chine, un système financier fragile, des opportunités d'investissement peu nombreuses et une volonté d'expansion internationale des grandes entreprises chinoises, expliquent ces flux de capitaux qui quittent le pays.

 

Las, l'excédent de la balance courante s'affaiblit malgré le taux d'épargne élevé, principalement en raison du niveau très élevé de l'investissement en Chine dans un secteur pas vraiment porteur ni en matière de rentabilité et encore moins de productivité : la construction.

 

La fin de la déflation en Chine ?

 

Les moyens mis en oeuvre par le gouvernement chinois pour sortir de la déflation semblent avoir porté leurs fruits, si l'on en juge par les prix à la production, le prix des exportations et le prix du PIB :

 

 

[ Source : http://www.chinadaily.com.cn ]

 

Ce changement majeur en 2016, qui s'est accompagné d'un coup d'arrêt au recul de la profitabilité des entreprises et d'un redressement de l'investissement industriel, est peut-être lié aux velléités de réduction des excès de capacité de production (qui font tant de dégâts en Europe...) et à la dépréciation du RMB qui a permis depuis 2014 aux entreprises industrielles chinoises de regagner en compétitivité-prix.

 

Mais les problèmes structurels n'ont pas encore été réglés, tant s'en faut ! Dès lors, malgré les dénégations du PCC, l'avenir économique de la Chine est loin d'être cousu dans quelque route de la soie...

 

Supplément technique sur les réserves de change

 

Dans les conditions que nous venons d'évoquer ci-dessus, on ne peut que rester dubitatif quant aux arguments avancés par le FMI pour intégrer triomphalement la devise chinoise dans le panier de DTS du FMI. Pour mémoire, le DTS constitue l'unité de compte du FMI et sert à compléter les réserves de change de l'institution. Naguère, les DTS reposaient sur un panier de quatre devises (dollar, euro, yen et livre), et la Chine souhaitait évidemment que sa monnaie puisse y être intégrée afin d'en faire une devise internationale et une monnaie de réserve, alors même qu'elle ne répond absolument pas aux conditions habituelles de flottement exigées des autres devises !

 

Les réserves de change sont les avoirs détenus par les Banques centrales sous forme d'or, de devises convertibles et de DTS (Droits de Tirages Spéciaux, qui est l'unité de compte du FMI basée sur un panier de monnaies dont fait désormais partie le Yuan chinois) ; mais le plus souvent, en fait de devises, ce sont plutôt des titres en devises (essentiellement des bons et obligations du Trésor) qui constituent les avoirs de réserve. Ces réserves de change permettent aux Banques centrales d'intervenir sur le marché des changes, afin de réguler les taux de change et de maintenir la confiance dans leur monnaie.

 

Le montant des réserves de change dépend des flux de capitaux et du solde de la balance courante. On obtient donc l'identité suivante :

 

 

Or, si en régime de changes flexibles, les réserves de change ne varient pas puisque c'est le taux de change qui s'adapte pour compenser les flux de capitaux et le solde du commerce extérieur, il en va tout autrement en régime de changes peu flexibles comme en Chine.

N.B : l'image de ce billet provient de cet article du journal Ouest France.

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23 mai 2017 2 23 /05 /mai /2017 11:07

 

 

À présent que l'élection présidentielle est passée, il est temps de revenir à des sujets plus économiques même si l'économie n'était à l'évidence pas absente de mes précédents billets : la politique économique selon Macron, les vrais résultats (dérangeants) de l'élection présidentielle, l'élection présidentielle : l'absence de choix et la crise qui couve, 1er mai : fêtons le travail tant qu'il en reste !. Le billet d'aujourd'hui sera ainsi consacré à la flexisécurité, dont on ne cesse de nous rebattre les oreilles au motif qu'elle serait la panacée !

 

La flexisécurité

 

Ce néologisme d'origine anglo-saxonne, construit avec les mots flexibilité et sécurité, désigne une forme d'organisation du marché du travail qui cherche à concilier la flexibilité souhaitée par les employeurs avec la sécurité désirée par les travailleurs. En général, appelons un chat un chat, la flexisécurité associe faible protection des emplois (=flexibilité) et soutien au retour à l’emploi des chômeurs (sécurité). Présentée ainsi, rien d'étonnant à ce que ce concept soit devenu au fil des ans l'idéal (l'horizon indépassable ?) des grandes organisations libérales dans le monde à l'instar de l'OCDE, du FMI et bien entendu de la Commission européenne.

 

La flexisécurité tire son origine du modèle économique danois, qui a associé au début des années 1990 deux éléments :

 

 * la flexibilité : embauches et licenciements très faciles, pas de différence entre CDD et CDI ;

 

 * la sécurité : indemnités de chômage généreuses, mais plafonnées à un niveau bien plus bas qu'en France et limitées à 24 mois, en contrepartie d'un suivi pointilleux des chômeurs, qui sont souvent contraints d'accepter au bout de quelques mois un emploi même s'il ne correspond pas à leur recherche/qualification.

 

Le passage à la flexisécurité au Danemark aurait ainsi permis de terrasser le chômage, enfin jusques à la crise de 2008, comme le montre le graphique ci-dessous :

 

 

[ Source : OCDE ]

 

Flexisécurité et dynamique schumpétérienne

 

La dynamique schumpétérienne prend appui sur le concept de destruction créatrice, qui postule que l'innovation détruit certes des secteurs entiers de l'économie ancienne, mais au profit de la création de nouveaux secteurs dynamiques et plus productifs au sein desquels l'emploi se développera. La préconisation est alors d'ôter tout obstacle à la transformation des entreprises et de l'emploi, bref de laisser faire ce processus vu comme inéluctable et bienfaisant pour l'économie à long terme.

 

Les partisans de la flexisécurité, dont Emmanuel Macron, souhaitent donc par ce moyen accompagner une logique qu'ils considèrent comme inéluctable, en abandonnant les secteurs en déclin tout en aidant à la création d'emplois dans les nouveaux secteurs de l'économie. Ce faisant, ils négligent juste que les emplois détruits ne sont pas nécessairement recréés en nombre égal dans les nouveaux secteurs d'activité. De plus, les qualifications n'étant pas les mêmes, rien n'assure le "déversement" d'un secteur à l'autre pour reprendre une expression popularisée par Alfred Sauvy. Quant aux salaires, le primat de la négociation au niveau des entreprises conduira inévitablement à un ajustement à la baisse des salaires.

 

Flexisécurité : flexi sans sécurité ?

 

Hélas, comme toujours, le diable se cache dans les détails. En effet, au vu de la situation sur le front du chômage qui affaiblit fortement la capacité de négociation des travailleurs, il est désormais assez simple d'obtenir la flexibilité : réduction de la protection de l'emploi, réduction des coûts de licenciements par le plafonnement des indemnités prud'homales, négociations salariales au niveau de chaque entreprise, etc. En témoignent les nombreuses attaques réussies contre le Code du travail et la possible estocade que lui portera la très prochaine loi sur le travail, qui s'offrira même le luxe de court-circuiter partiellement le Parlement... Un enterrement de première classe dans France SA.

 

De plus, la destruction des emplois intermédiaires, lourde de conséquences pour notre modèle social comme je l'expliquais dans ce billet, conduira les salariés à se battre pour les rares offres restantes, quels que soient la qualité de l'emploi et le salaire proposé. Et à défaut de salariat, les travailleurs iront chercher de quoi se nourrir dans une chimérique ubérisation de l'économie, c'est-à-dire un cauchemar tout éveillé où nous serions tous autoentrepreneurs, en concurrence sur un marché coté en continu de la fourniture de service... Il vous suffit de jeter un oeil sur cet excellent article du Monde concernant Amazon et son Turc mécanique pour comprendre qu'il ne s'agit pas là d'une vue de l'esprit !

 

En tout état de cause, les partisans de la flexisécurité, toujours prompts à nous citer le Danemark comme modèle depuis que l'Allemagne industrieuse fait un peu moins rêver, négligent certains points. Tout d'abord, pour qu'un tel système fonctionne, encore faudrait-il qu'il y ait d'abord du travail digne de ce nom pour tous et pas uniquement du tripalium ! De plus, il nécessite l'adhésion de tous les citoyens et bien entendu des syndicats beaucoup plus représentatifs qu'ils ne le sont aujourd'hui (au Danemark, le taux de syndicalisation atteint près de 80 % des salariés du secteur privé et 100 % des salariés du secteur public), afin de pouvoir négocier les conditions de travail qui dépendent principalement des accords de branches et d'entreprises au Danemark.

 

En outre, il ne faut pas oublier qu'un emploi perdu n'est jamais simplement l'équivalent d'un emploi retrouvé, même s'il offre les mêmes conditions matérielles de subsistance. Au contraire, certains métiers font la fierté de ceux qui les exercent et ils ne peuvent être remplacés par d'autres emplois alimentaires sans conduire à la perte d'un savoir-faire et d'une logique de l'honneur au travail dont parlait Philippe d'Iribarne.

 

Enfin, la condition sine qua non de mise en place de la flexisécurité au Danemark fut le haut degré de consentement à l'impôt, puisque l'État danois a pris à sa charge les politiques de l'emploi constituées de l'emploi et de l'accompagnement des chômeurs, le tout pour 1,9 % du PIB contre environ 0,5 % en moyenne dans l'OCDE... Au total, le taux de prélèvements obligatoires tutoie les 45 % du PIB au Danemark !

 

 

[ Source : Challenge ]

 

Au surplus, la construction de l'État moderne en France, jacobine quoi qu'on puisse en dire, est aux antipodes de l'individualisme mâtiné de solidarités familiales fortes qui fonde les sociétés scandinaves. Pour le dire autrement, j'ai les plus grandes réticences face à des projets qui consistent à transposer un modèle socio-économique bâti sur une histoire bien différente de la nôtre. Une telle idée ne peut à l'évidence que séduire les néolibéraux mondialistes, qui font des États-nations de vagues régions de l'espace monde, où tous les individus sont censés être de dignes représentants froids et calculateurs de l'homo oeconomicus rationalis !

 

Bien entendu, une fois obtenu très rapidement l'avers flexibilité de la pièce flexisécurité, le verso sécurité sera beaucoup plus long à mettre en oeuvre (s'il l'est jamais...), ce qui ne manquera pas de créer beaucoup de chômage dans l'intermède, d'autant que la question de la faiblesse du niveau de gamme en France par rapport aux coûts de production reste pendante...

 

La flexisécurité est donc un excellent moyen de réduire le taux de chômage, mais au prix d'une omerta sur toutes les questions de qualité de l'emploi, de déclassement professionnel et de mal-être au travail ! Je ne peux donc que renouveler les conclusions de mes précédents billets : les libéraux arriveront peut-être au plein-emploi, mais avec des conditions salariales (et non-salariales) épouvantables. Le risque d'une crise sociale et politique n'en sera que plus fort !

 

P.S. : l'image de ce billet provient de cet article du site La Croix

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16 mai 2017 2 16 /05 /mai /2017 14:31

 

 

Après mon billet sur les vrais résultats (dérangeants) de l'élection présidentielle, il est temps d'en venir à la politique économique d'Emmanuel Macron. Le mode de scrutin en France permet en effet ce genre d'incongruité : avec seulement 24 % des suffrages exprimés au premier tour, c'est une politique économique ultralibérale qui sera menée en France, bien que la plupart des électeurs l'aient pourtant catégoriquement refusée. Mais à l'heure où j'écris, j'apprends que nombreux sont les adversaires d'hier à avoir rejoint la majorité présidentielle, même au rang de Premier ministre, dans le seul intérêt général de la France cela va sans dire... 

 

La composition du premier gouvernement de l'ère Macron

 

 

[ Source : Europe 1 ]

 

Voilà ce que les Anglais appelle un "ministère de tous les talents" depuis William Grenville en 1806 et que pour ma part, à l'instar des caricaturistes de l'époque, je préfère dénommer un broad-bottom ministry tellement Emmanuel a ratissé large... En effet, avec un Premier ministre de droite et surtout un ministre de l'économie tout-puissant et très à droite (souvenez-vous : 1000 pages de programme, la lutte contre l'assistanat érigée en principe cardinal...), je crains fort que nous ayons en fait tout simplement un gouvernement de droite qui se targue d'être écolo-nucléaire compatible avec la nomination de Nicolas Hulot et pense avoir fait mouche avec Laura Flessel... Il apparaît donc indispensable de détailler un peu les différentes politiques qui étaient défendues à droite et à gauche pour comprendre ce qui peut nous attendre.

 

Les différentes politiques économiques des ex-candidats

 

Il est important de commencer par présenter les grandes théories économiques qui sous-tendaient les programmes des candidats à l'élection présidentielle, afin de permettre des comparaisons. On peut ainsi distinguer quatre grandes tendances, que j'ai cherché à résumer par le schéma ci-dessous. Certes, les dénominations gauches, centre, droite ne sont plus forcément les plus adaptées après l'implosion qu'ont subie les grands partis traditionnels, mais elles ont au moins le mérite de permettre des comparaisons :

 

 

La politique de la demande

 

La politique de la demande consiste à relancer la consommation et l'investissement pour accéder au plein-emploi et à une croissance forte. Elle passe donc par un soutien aux bas revenu, des investissements publics, des aides et subventions, etc. Certes, il faut être prudent en l'état actuel de nos capacités de production nationale, puisque la hausse de la demande intérieure entre 2014 et 2016 liée à ce que j'appelais l'alignement des planètes dans ce billet, a essentiellement débouché sur une hausse des importations :

 

 

[ Source : Natixis ] 

 

La prégnance de la crise sociale que l'élite politique a trop longtemps mise sous le boisseau quand elle ne l'a pas splendidement niée, a fait resurgir sur le devant de la scène le revenu universel auquel j'avais consacré ce billet Pour les plus interventionnistes, il s'agit d'un outil de lutte contre la pauvreté dans un monde où le travail se fait rare et d'émancipation, en ce qu'il permet au citoyen de se consacrer à des activités culturelles et associatives que les contingences matérielles de la vie limitaient.  

 

Quant aux dépenses publiques, trop souvent vues comme une simple charge nécessairement trop élevée, j'avais rappelé dans ce long billet qu'entre les services publics non marchands à destination des ménages - individualisables comme l'éducation ou collectifs comme la justice - et les prestations sociales en nature (médicaments, consultation de médecine, etc.) et en espèces (retraites, allocations, etc.), une bonne moitié de la dépense publique est constituée de prélèvements qui sont restitués aux ménages et donc soutiennent la dépense privée et la croissance. Les couper serait donc catastrophique pour l'activité de notre pays !

 

La politique de l'offre

 

La politique de l'offre consiste au contraire à réduire les prélèvements supportés par les entreprises, afin d'améliorer leur compétitivité-coût et ainsi relancer l'investissement privé et donc l'emploi. Elle s'appuie par conséquent sur la réduction des dépenses publiques et la flexibilisation du marché du travail, dont on sait pourtant qu'elle est déjà importante en France et qu'elle n'est pas nécessairement source de croissance.

 

La version la plus connue est un enchaînement popularisé par le chancelier ouest-allemand Helmut Schmidt en 1974, qui lui vaut désormais le nom de théorème de Schmidt (sic !) : baisse des impôts et cotisations sur les entreprises => hausse des marges => hausse de l'investissement => hausse des emplois. Sauf que ce théorème n'a que très rarement fonctionné dans nos économies... En dehors de ce théorème, comme je l'ai montré dans ce billet, il est souvent fait référence à la courbe de Laffer pour justifier la mise en place d'une baisse d'impôts et de cotisations sociales pour les entreprises tout en augmentant la TVA (ce qui n'est rien d'autre qu'une forme de TVA (anti-)sociale à laquelle j'ai consacré un chapitre dans mon livre Mieux comprendre l'économie : 50 idées reçues déchiffrées). 

 

On croyait cette courbe enterrée pour de bon, mais comme tout concept zombie elle n'a cessé de polluer les campagnes politiques tant aux États-Unis qu'en Europe. Cela tient à sa simplicité (simplisme ?) et son caractère consensuel pour attirer les électeurs de toutes obédiences. En particulier, Ronald Reagan en prit prétexte pour baisser la pression fiscale aux États-Unis dès le début de son mandat, avec pour résultat catastrophique une forte hausse du déficit public :

 

 

[ Source : Natixis ]

 

Des deux côtés de l'Atlantique, la croyance est donc encore aujourd'hui que l'on se trouve du côté droit de la courbe, c'est-à-dire que la pression fiscale est devenue dissuasive et pèse par conséquent sur les rentrées fiscales de l'État. Dès lors, il suffirait de baisser la pression fiscale sur les entreprises pour que la relance de l'activité correspondante permette une augmentation des ressources fiscales de l'État. Autrement dit, le déficit public qui résulterait d'abord de la baisse du taux d'imposition serait entièrement compensé par les nouvelles recettes fiscales liées à la hausse de l'activité, ce qui revient à supposer que le multiplicateur budgétaire est très élevé, probablement le double de ce qu'il est actuellement...

 

Le programme économique de Macron

 

Emmanuel Macron a fait campagne sur le programme suivant :

 

 

[ Source : Europe 1 ]

 

En matière économique, l'infographie suivante en dit plus long que des mots :

 

 

[ Source : Boursorama ]

 

La dynamique schumpétérienne rêvée par Macron

 

Le programme d'Emmanuel Macron est en fait entièrement conçu sur une dynamique schumpétérienne. Celle-ci prend appui sur le concept de destruction créatrice, qui postule que l'innovation détruit certes des secteurs entiers de l'économie ancienne, mais au profit de la création de nouveaux secteurs dynamiques et plus productifs au sein desquels l'emploi se développera. La préconisation est alors d'ôter tout obstacle à la transformation des entreprises et de l'emploi, bref de laisser faire ce processus vu comme inéluctable et bienfaisant pour l'économie à long terme.

 

Ce faisant, on oublie juste que les emplois détruits ne sont pas nécessairement recréés en nombre égal dans les nouveaux secteurs d'activité. De plus, les qualifications n'étant pas les mêmes, rien n'assure le "déversement" d'un secteur à l'autre pour reprendre une expression popularisée par Alfred Sauvy. C'est pourquoi, les tenants du dieu Schumpeter préconisent de mieux former les salariés, de réduire la protection de l'emploi et de flexibiliser le marché du travail, quitte à inventer pour cela la tarte à la crème de la flexisécurité dont on ignore le fonctionnement précis, mais qui ne manquera pas de précariser encore un peu plus les travailleurs puisqu'il y aura négociation au niveau des entreprises sur des éléments essentiels et donc inévitablement ajustement à la baisse des salaires.

 

Emmanuel Macron, tout à sa vision européenne des affaires, néglige que le problème économique principal de la France (un niveau de coûts de production élevé par rapport à des pays de même niveau de gamme comme l'Espagne) ne pourra pas être réglé en l'état actuel de fonctionnement de la zone euro. Sa volonté de poursuivre l'approfondissement de l'UE, au moment où les opposants à la construction européenne se comptent par légion, relève soit de la pure folie (arrogance ?) soit d'une soumission à un programme ultralibéral qui fait du marché l'alpha et l'oméga de toute politique économique...

 

Toujours est-il que  la multiplication des règles et autres corsetages imposés par l'ordolibéralisme allemand (TSCG, "six-pack", "two-pack", etc.), continueront a être repris comme un mantra par la majorité des dirigeants européens dont la France bien évidemment (les récentes déclarations d'Angela Merkel ne laissent aucun doute à ce sujet), pour le plus grand malheur de nos producteurs et ménages. Nombreux sont ceux qui, à l'image d'Emmanuel Macron, citent l'Angleterre de Thatcher comme modèle voire comme horizon indépassable. Rares sont en revanche les dirigeants politiques qui notent que Theresa May est un modèle de Premier ministre, en ce qu'elle a respecté la voix populaire exprimée lors du référendum sur le Brexit alors même qu'elle souhaitait à titre personnel le maintien au sein de l'UE. Mais de cela, nul ne semble vouloir en parler...

 

En France, mais également dans toute la zone euro, les dirigeants politiques s'appuient sur de prétendues lois de l'économie pour préconiser en choeur la même politique économique, certes avec des variations de nom selon le folklore local (loi travail, loi de confiance, loi de compétitivité, etc.). Ainsi, lorsqu'on regarde la structure sectorielle des créations d’emplois dans la zone euro, on constate hélas que la baisse du chômage a pour contrepartie des emplois de mauvaise qualité, en ce qu'ils sont peu payés, donc défavorables aux ménages, et peu productifs, donc défavorables à la croissance potentielle. L'un dans l'autre, les libéraux arriveront peut-être au plein-emploi, mais avec des conditions salariales (et non-salariales) épouvantables. Le risque d'une crise sociale et politique n'en sera que plus fort ! 

 

Dans les deux cas, l'emploi décent (c'est-à-dire tout sauf la déclinaison moderne du tripalium) risque de passer par pertes et profits avec la très prochaine loi sur le travail de France SA, qui en plus de court-circuiter le Parlement, ne fera qu'entériner la mort prochaine du code du travail protecteur tel que nous l'avons connu !  L'ubérisation sera alors érigée en programme de société, mais ses dégâts seront bien cachés dans un premier temps derrière le faux nez des start-up triomphantes.

 

En définitive, contrairement à une idée reçue, Emmanuel Macron ne prend pas le meilleur des politiques économiques de gauche et de droite, mais le pire ! Hélas, nous vivons dans un monde de communication et de marketing où toutes les relations se doivent d'être du type gagnant-gagnant (win-win en franglais d'aérogare qui fera bientôt autorité dans nos établissements scolaires et universitaires) même lors les uns n'ont plus aucun pouvoir de négociation. Au fait, comment appelle-t-on une politique qui fait énormément plus de perdants que de gagnants ? Le prélude à la colère sociale ?

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8 mai 2017 1 08 /05 /mai /2017 12:46

 

 

Passé le premier tour, l'enjeu de cette élection présidentielle avait totalement changé de nature au point de devenir un vote pris en otage. Bien entendu, de nombreux médias ont profité de l'entre-deux-tours pour vendre une sauce aigre-douce composée de quelques pincées d'oppositions artificielles, d'un zeste de croyance affichée en la sagesse populaire, le tout mâtiné d'une grande quantité d'appels au front républicain qualifié pour l'occasion de néo-résistance (sic !).

 

Bref, comme on pouvait s'y attendre dès le dimanche 23 avril, Emmanuel Macron l'a largement emporté face à Marine Le Pen. Mais est-ce à dire que le nouveau président de la République a obtenu l'adhésion de 66 % des électeurs qui se sont exprimés ? Il faudrait être bien naïf, si ce n'est de mauvaise foi, pour le croire...

 

Les résultats de l'élection présidentielle

 

D'après le Ministère de l'intérieur, voici les résultats sur la base de 97 % des inscrits :

 

 

[ Source des données : Ministère de l'intérieur ]


 
Il n'en fallait pas plus pour que les médias répètent à l'envi qu'Emmanuel Macron est le grand vainqueur de cette élection présidentielle. Et pourtant, le diable est dans les détails...

 

Les vrais résultats du second tour

 

Cette présentation néglige à l'évidence les nombreux électeurs qui, découragés par l'absence de choix réel que leur offrait cette élection, ont préféré très largement s'abstenir (environ 25 % des inscrits) ou voter blanc (près de 6,3 % des inscrits) au second tour ; même les bulletins nuls sont très nombreux (environ 2,2 % des inscrits). Car n'en déplaise aux belles âmes qui s'indignent facilement et souvent cathodiquement quand le petit peuple ne vote pas ou pas du bon côté selon eux, la démocratie offre la possibilité de ne voter ni pour la peste ni pour le choléra, afin de faire entendre une vraie voix discordante.

 

Dans le cas présent, comme les électeurs savent pertinemment que le vote en blanc ne sera pas comptabilisé dans les suffrages exprimés, nombreux sont ceux qui se sont réfugiés dans le vote nul et surtout l'abstention. Dès, en rapportant les suffrages obtenus par chaque candidat au nombre total d'inscrits, on obtient quelque chose de ce type :

 

 

[ Source des données : Ministère de l'intérieur ]

 

Les vrais résultats de l'élection présidentielle font donc apparaître un tout autre message à l'adresse des politiques : aucun des deux candidats ne répond majoritairement aux attentes des électeurs français ! Cette conclusion indiscutable mais hélas dérangeante pour le système oligarchique en place, explique pourquoi la loi électorale refuse toujours de comptabiliser le vote en blanc dans les suffrages exprimés, malgré moult promesses en ce sens... Rien d'étonnant donc à ce que de nombreux citoyens préfèrent ne pas participer à cette vaste pantalonnade électorale en s'abstenant de voter, bref en se retirant sur l'Aventin comme disaient les Anciens.

 

Le vote en blanc

 

Prenons un exemple fictif pour bien comprendre en quoi le vote blanc peut changer l'interprétation des résultats d'une élection. Supposons un corps électoral réduit à 120 électeurs et deux candidats notés A et B. 35 électeurs votent pour A, 41 pour B, 24 votent blanc et 20 s'abstiennent. Si l'on ne tient pas compte des votes en blanc dans les suffrages exprimés, le résultat de cette élection est le suivant :

 

 

En revanche, si l'on prend en compte les votes en blanc dans les suffrages exprimés, on obtient cela :

 

 

Les mauvaises langues me rétorqueront que dans les deux cas c'est bien le candidat B qui sort vainqueur de l'élection. Oui mais, avec 24 % de votes en blanc considérés comme des suffrages exprimés, sa légitimité politique est bien plus faible puisqu'il ne dépasse même pas les 50 %... Et il est fort probable que l'abstention baissera, puisque les électeurs disposeront désormais de la possibilité de faire entendre une voix discordante avec le vote en blanc. L'un dans l'autre, cela oblige le nouvel élu à faire preuve de plus d'humilité dans la lecture des résultats, d'en tenir compte dans la composition de son gouvernement et dans l'élaboration de ses politiques économiques. Bref, le vote en blanc permet d'une certaine façon de ne pas donner un chèque en blanc à l'élu !

 

Mais ceci dit, il serait faux de croire que le vote en blanc réglerait tous les problèmes de légitimité politique dans ce qu'il reste de démocratie en France. En effet, ce serait faire l'impasse sur les autres modes d'expression de l'opinion publique, qui sont bien plus souvent privilégiés que les urnes : manifestations, grèves, commentaires sur les réseaux sociaux, etc.

 

Un vote d'adhésion ?

 

Dans ce genre d'élection où le deuxième tour était déjà écrit à la fin du premier, l'humilité (qualité rare en politique j'en conviens) commande de ne pas s'approprier chaque voix exprimée comme un vote d'adhésion, d'autant que face à Marine Le Pen on s'attendait plutôt à un score de Maréchal du type 80 % / 20 %. C'est bien la preuve que le ras-le-bol du système, la colère jusque-là sourde et le ressentiment, s'expriment désormais ouvertement jusque dans les urnes à des niveaux jamais atteints ! Imaginez un instant ce qui se serait passé si le Front National avait fait de tels scores il y a encore 15 ans ? Aujourd'hui, ça ne semble pas avoir choqué grand monde, tant il paraissait même évident que Marine Le Pen serait au deuxième tour...

 

Emmanuel Macron n'a donc pas suscité d'engouement dans le corps électoral, en dehors des électeurs qui ont besoin que les comédiens changent pour donner l'impression qu'il se joue une nouvelle pièce dramatique tout en conservant le même livret, contrairement au corps politique où ils sont nombreux à avoir déménagé corps et biens pour rejoindre son mouvement. Certaines mauvaises langues diront peut-être qu'il y a des postes à prendre...

 

Juste avant le second tour de l'élection présidentielle, la dernière enquête électorale du Cevipof avait donné des éléments de réflexion intéressants sur le candidat préféré des électeurs (notez la large part du "aucun") :

 

 

[ Source : Cevipof ]

 

On remarquera également que 60 % des sondés qui avaient l'intention de voter pour Emmanuel Macron déclaraient le faire par défaut :

 

 

[ Source : Cevipof ]

 

Le Cevipof en concluait même que l'image d'Emmanuel Macron s'est dégradée au fil de la campagne, ce qui est très inquiétant pour une personne qui souhaite rassembler les Français face au Front National. C'est peu dire qu'il lui sera difficile de gouverner, même si désormais il n'exige plus de ses candidats aux législatives qu'ils quittent leur parti politique, pour peu qu'ils se rattachent administrativement à son mouvement afin de toucher tout de même les subsides publics. La doctrine n'aura pas duré longtemps face à la réalité du jeu politique sous la Ve République... Mais en attendant, tous les grands partis politiques rêvent déjà d'un troisième tour aux élections législatives, donc d'une cohabitation, qui semble même avoir la faveur des sondés !

 

Et dans cinq ans, lorsque la colère sera arrivée à son paroxysme, malgré les dénégations des politiques qui à défaut de voir midi devant leur porte regardent souvent ailleurs, le prochain candidat face aux extrêmes n'arrivera peut-être même plus à 50 % des suffrages exprimés... Et les commentateurs patentés affirmeront alors en choeur que c'est le peuple qui ne comprend décidément rien à rien, qu'il n'existe pas d'alternative aux politiques économiques ultralibérales qui sont menées. Ils auront assurément tort, mais la catastrophe sera bien là, et comme toujours dans l'histoire ceux qui resteront (ou qui ne pourront pas s'enfuir) devront payer les pots cassés !

 

Simone Weil et le vote

 

Dans un précédent billet, j'avais déjà parlé de Simone Weil qui, dans une courte note publiée de manière posthume en 1950, appelait à la suppression des partis politiques, cette machine à fabriquer dangereusement de la passion collective : "le mal des partis politiques saute aux yeux, ne sont-ils pas même du mal à l'état pur ou presque ?". Je voudrais y revenir brièvement, sans en dire trop pour vous donner l'envie de la lire, tout en pointant l'extrême acuité de sa pensée politique.

 

Ainsi, elle montre comment dans le Contrat social de Rousseau, l'on trouve énoncé toutes les conditions d'existence de notre idéal républicain basé sur la volonté générale. Pour le dire simplement, sous certaines conditions, l'expression du peuple peut être conforme à la justice, parce que les hommes sont censés partager la même raison qui leur permet donc de converger en opinion sur la justice et la vérité. Or, ce sont précisément ces conditions qui sont le plus souvent passées sous silence, en particulier lorsqu'elles ne sont plus remplies :

 

 * il faut qu'il n'y ait aucune passion collective qui s'empare du peuple au moment où il doit s'exprimer, sinon il peut facilement voter pour les pires politiques comme l'a démontré l'accession au pouvoir de criminels par la voie légale ; 

 

 * le peuple doit pouvoir s'exprimer sur des problèmes concrets et précis de la vie publique, et non faire seulement un choix entre plusieurs candidats dont on a pu voir qu'ils ne respectaient pas toujours, c'est un euphémisme, leur programme ; 

 

Et le moins que l'on puisse dire est qu'actuellement aucune de ces deux conditions n'est respectée. Alors dire que le nouveau président de la République a été élu par la volonté générale du peuple français me laisse perplexe... Mais chut, ne gâchons pas la fête en jouant les Cassandre. Fermez le ban !

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1 mai 2017 1 01 /05 /mai /2017 12:50

 

 

La Fête du Travail semble n'être plus qu'un simple jour férié, si j'en juge par ce qui se dit autour de moi et par le nombre de manifestations prévues ce jour. C'est pourquoi, j'ai souhaité rappeler brièvement l'histoire de cette journée du 1er mai consacrée au travail, tant elle représente une lutte importante, que d'aucuns cherchent à faire oublier afin de déconstruire et précariser flexibiliser le droit du travail... bien entendu au nom du progrès !

 

Tout d'abord, il est utile de rappeler que c'est le 30 avril 1947 que le gouvernement décida de faire du 1er mai un jour chômé et payé, sans qu'il soit fait référence à une fête, ce qui signifie que l'appellation Fête du Travail n'est que coutumière ! Le 1er mai fut certes un jour désigné comme Fête du Travail et de la Concorde sociale, mais sous Vichy le 24 avril 1941...

 

Cette date du 1er mai s'inspire en fait des grèves et négociations du 1er mai 1886, qui débouchèrent sur une limitation de la journée de travail à huit heures aux États-Unis. C'est en 1889 que la deuxième Internationale socialiste réunie à Paris se donnera pour objectif la journée de huit heures, puisque jusque-là le temps de travail habituel était de dix à douze heures par jour ! Et pour marquer cette revendication, il fut décidé d'organiser une grande manifestation à date fixe (le 1er mai...) dans le but de faire entendre la même revendication de réduction du temps de travail dans tous les pays !

 

C'est ainsi qu'est née la Journée internationale des travailleurs également appelée Fête des travailleurs, avec un premier défilé le 1er mai 1890, où les ouvriers firent grève et défilèrent avec le célèbre triangle rouge à la boutonnière qui symbolisait les 3 grands tiers de la journée : travail, sommeil, loisir. Pour l'anecdote, il faudra attendre le 23 avril 1919 pour que le Sénat français impose une limite de travail à 8 heures par jour... et aujourd'hui le terme du milieu semble être vu comme une perte sèche !

 

Enfin, puisque nous sommes en si bon chemin semé d'embûches, regardons ce que l'histoire peut nous apprendre sur le traitement du chômage au XIXe siècle. Après la révolution de février 1848, trop souvent oubliée par les Français pétris de progressisme et dont la déflagration se fit pourtant sentir partout en Europe, le gouvernement provisoire de la IIe République créa les Ateliers nationaux dans l'idée de procurer aux chômeurs de Paris un petit revenu en contrepartie d'un travail.

 

Mais à l'Assemblée nationale, forts d'une majorité de notables provinciaux très méfiants à l'endroit des ouvriers, les députés décidèrent que les Ateliers nationaux ne devaient se voir confier aucun travail susceptible de concurrencer une entreprise privée (toute ressemblance avec la situation actuelle ne pouvant être totalement fortuite...). C'était dès lors les condamner au supplice de Sisyphe, d'autant que le nombre de chômeurs qu'ils employaient augmentait de façon vertigineuse : abattre des arbres sains pour les substituer par ceux provenant des pépinières nationales, dépaver les rues pour ensuite les repaver à nouveau, etc.

 

Les Ateliers nationaux devinrent ainsi un repoussoir pour la classe bourgeoise, qui n'y voyait rien d'autre qu'une poudrière d'ouvriers révolutionnaires et un gouffre économique. Dès lors, par collusion d'intérêt, il n'est guère étonnant que nombre de parlementaires s'opposèrent à toute forme d'intervention de l'État dans le domaine économique et dans la régulation des relations patrons/salariés. C'est que rentiers et bourgeois de l'Assemblée se sentaient offusqués de devoir entretenir avec l'argent public un nombre croissant de chômeurs employés par ce qu'ils surnommaient désormais les "râteliers nationaux", considérant qu'une telle aide relevait plutôt de la charité privée.

 

Le 20 juin 1848 fut donc décidée la suppression des Ateliers nationaux, dans l'espoir de calmer au passage les velléités révolutionnaires des ouvriers. Ce faisant, 120 000 ouvriers furent licenciés par les Ateliers nationaux, ce qui déboucha sur de violentes émeutes de la faim (les journées de juinet une répression brutale. Répétons-le : c'est donc bien la République qui fit tirer sur le Peuple...

 

L'histoire nous rappelle que la question du travail et de sa valeur a souvent été traitée de manière partisane par le pouvoir politique, afin de satisfaire aux intérêts d'une minorité de riches faiseurs... Trop souvent, les politiques évoquent d'ailleurs le chômage uniquement sous l'angle de son taux, ce qui permet de la sorte d'occulter à dessein toutes les questions de qualité de l'emploi et de déclassement professionnel.

 

Il faut en effet faire la différence entre travail et emploi, le premier n'étant que la déclinaison moderne du tripalium dont il est issu... et que l'on cherche à généraliser comme en témoignent les multiples attaques victorieuses contre le code du travail !  Certes, le marché du travail en France connaît de nombreuses difficultés, qui vont être aggravées par l'ubérisation et la disparition des emplois intermédiaires. Le graphique ci-dessous fait d'ailleurs froid dans le dos quand on pense que le président de la République s'était engagé à retourner la courbe du chômage, lui qui avait pour ennemi la finance :

 

 

[ Source : Alternatives Économiques ]

 

Mais est-il pour autant nécessaire de multiplier les bullshit jobs dont parle David Graeber dans un article publié dans Strike Magazine, c'est-à-dire le travail vide de sens qui conduit à d'autres maux ?

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24 avril 2017 1 24 /04 /avril /2017 10:12

 

 

À l'heure du choix démocratique, le premier tour n'a pas permis de départager les candidats aussi nettement que certains commentateurs patentés ont bien voulu le dire. Ainsi, avec l'élimination dès le premier tour de Benoît Hamon (lâché honteusement par les siens) et de François Fillon (empêtré dans ses affaires judiciaires), c'est tout l'équilibre politique du pays tel qu'il avait été conçu en 1958 qui vacille... Je vous propose donc aujourd'hui une brève analyse des résultats mâtinée de quelques éléments économico-politiques pour comprendre la crise qui couve.

 

Les résultats du 1er tour

 

D'après le Ministère de l'intérieur, voici les résultats sur la base de 97 % des inscrits :

 

 

[ Source des données : Ministère de l'intérieur ]

 

Ce premier graphique montre à l'évidence qu'aucun candidat ne s'est vraiment démarqué des autres, contrairement à la campagne présidentielle de 2007 où Nicolas Sarkozy faisait très largement la course en tête avec 31 % des exprimés, contre 26 % environ pour Ségolène Royal et 18,5 % pour François Bayrou :

 

 

[ Source : La Documentation française ]

 

Bien entendu, on ne saura jamais ce que pensent les abstentionnistes (près de 22 %), les électeurs qui ont voté blanc (1,39 %) dont on ne prend toujours pas en compte la signification dans les résultats malgré moult promesses en ce sens, et les bulletins réputés nuls (0,62 %). Voilà à quoi ressemble d'ailleurs le résultat du 1er tour si on les présente en pourcentage des inscrits et non des exprimés : 

 

 

[ Source des données : Ministère de l'intérieur ]

 

Les résultats du 1er tour par départements

 

Cette carte permet de se rendre compte de ce qui vient d'arriver, si l'on garde à l'esprit que le bleu foncé correspond aux départements où Marine Le Pen est arrivée en tête et le gris ceux où Emmanuel Macron est arrivé en tête :

 

 

[ Source : http://www.francetvinfo.fr ]

 

À comparer peut-être avec cette carte, pour comprendre comment la misère et le désarroi liés aux politiques néolibérales ont conduit les citoyens à ne plus faire confiance aux partis politiques de gouvernement traditionnels :

 

 

[ Source : Le Figaro ]

 

La perte de confiance dans les partis politiques

 

Selon le baromètre élaboré par le CEVIPOF, la confiance dans les élus s'érode très vite à mesure que l'on s'éloigne du niveau local :

 

 

[ Source : CEVIPOF ]

 

En ce qui concerne à la confiance dans les partis politiques, elle trône si bas qu'on se demande quelle légitimité ces derniers peuvent encore avoir, et ce quel que soit le nom de la formation et son ancienneté (en l'occurrence le PS a été mortellement blessé dès les primaires, mais l'estocade lui a été portée hier soir)... Simone Weil, dans une courte note publiée de manière posthume en 1950, appelait déjà à la suppression des partis politiques, cette machine à fabriquer dangereusement de la passion collective : "le mal des partis politiques saute aux yeux, ne sont-ils pas même du mal à l'état pur ou presque ?" ! C'est dire s'ils avaient mauvaise presse... Quant aux médias, aux syndicats et aux banques, ils font face à une défiance à peine moindre !

 

 

[ Source : CEVIPOF ]

 

Pris ensemble, tous ces éléments devraient conduire les haut-parleurs des clans politiques à en rabattre de moitié lorsqu'ils affirment que les Français ont adhéré à leur programme. Je crains plutôt que les Français viennent de montrer qu'ils en avaient assez de la politique telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui et des difficultés sociales ainsi qu'économiques qu'ils subissent dans leur vie quotidienne !

 

Au reste, la ligne de fracture entre souverainistes et européistes, entre tenants d'un approfondissement de l'UE et contempteurs de cette Union-là, ne devrait pas être négligée au nom d'un nécessaire rassemblement du peuple, qui fleure bon la concorde montée de toutes pièces pour complaire aux médias internationaux. Si l'on additionne les voix qui se sont exprimées pour des candidats critiques envers l'Union européenne ou la zone euro, on obtient cette réalité qui, si elle est dérangeante dans le cas des progressistes béni-oui-oui, n'en demeure pas moins l'enjeu majeur de cette élection :

 

 

Or, dans quelques jours, le deuxième tour va selon toute vraisemblance conduire à la victoire par KO d'Emmanuel Macron sur Marine Le Pen :

 

 

[ Source : Sud Ouest ]

 

On entendra nombre de politiques de tous bords déclarer qu'il s'agit manifestement d'un vote d'adhésion aux idées libérales, qualifiées pour l'occasion de progressistes et humanistes puisque les mots n'ont plus de sens. Ils occulteront bien entendu sciemment que les électeurs sont une nouvelle fois venus au secours, à leur corps défendant, d'un système en capilotade...

 

Gouverner dans ces conditions relèvera de la gageure. Or, tel le sparadrap du capitaine Haddock, les questions non réglées reviennent inlassablement sur la table lors des prochaines élections, ce qui laisse entrevoir de plus en plus de dépit et de frustration, ce qui me fait craindre une crise sociale !

 

N.B. : l'image de ce billet provient de cet article du site www.francetvinfo.fr

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16 avril 2017 7 16 /04 /avril /2017 10:56

 

 

Bien que je m'intéresse évidemment beaucoup à l'avenir politique de notre pays, comme tout à chacun j'imagine, je ne fais que de rares incursions en territoire purement politique sur mon blog. Une exception avait été faite lors des premiers attentats en France et récemment sur l'émoi de cette campagne électorale vue au travers des yeux d'un voyageur venu d'une contrée lointaine (articles qui avaient été au demeurant beaucoup lus...).

 

Aujourd'hui, je fais une nouvelle exception suite à la suppression par LCI du replay de l'émission La Médiasphère, jugée un tantinet trop critique envers la communication politique de Macron et Le Pen. Heureusement Internet a sauvé ce moment d'anthologie :

Il m'a donc semblé nécessaire de vous parler brièvement de la communication politique, qui transforme trop souvent les candidats (et ensuite les élus) en machine à réciter au mieux des discours surgelés au pire des éléments de langage dépourvus de profondeur intellectuelle. Comme l'affirme avec pertinence Dominique Wolton dans un article de son blog, "à la limite, la communication politique désigne toute communication qui a pour objet la politique !... Cette définition, trop extensive, a cependant l’avantage de prendre en compte les deux grandes caractéristiques de la politique contemporaine : l’élargissement de la sphère politique et la place croissante accordée à la communication, avec le poids des médias et de l’opinion publique à travers des sondages".

 

La communication politique à outrance, de par sa simplification des problèmes qui confine désormais à la caricature et permet de parler de tout sans rien en connaître, fait glisser notre démocratie - si tant est qu'elle existe encore malgré les apparences - vers une doxocratie comme l'appelle Jacques Julliard, c'est-à-dire un régime politique où l’opinion influence directement les décisions du pouvoir. Ainsi pour chaque problème politique, plutôt que de gouverner, ce qui suppose de prendre des décisions mûrement réfléchies suivant le principe de la délégation de souveraineté, les gouvernants préfèrent sonder l'opinion publique dont ils se persuadent à tort qu'elle représente le phare d'une nation.

 

Ce faisant, ils privilégient explicitement l'instantanéité à la réflexion, les passions à la raison, la superficialité à la profondeur, le préjugé au raisonnement, la joute oratoire stérile au débat politique fécond... En effet, l'opinion publique n'est souvent rien d'autre que la somme des idées dominantes et des préjugés du moment, ce qui on en conviendra fait d'elle une très mauvaise boussole pour prendre des décisions engageant l'État à long terme. De plus, comme nombre de politiques imaginent que les sondages demeurent le principal moyen d'appréhender l'opinion publique, ils instituent malgré eux (du moins on l'espère...) le règne des médias et des sondeurs, bref du populisme !

 

Et là une précision s'impose : le populisme n'est pas seulement l'idéologie qui se réfère systématiquement au peuple pour l'opposer aux élites - encore que lorsqu'on voit la trahison des élites le populisme peut devenir une nécessité -, c'est également ces courants dits de synthèse qui souhaitent faire table rase des prétendus archaïsmes de la société au profit des puissants à moins que ce ne soit pour leur plus grand profit. Chantal Delsol, caractérisait plus précisément le populisme par la défense d'un enracinement dans la famille ou la patrie, en réponse à une mondialisation ou plus généralement une ouverture de la société trop approfondie. Bref, le populisme n'est pas toujours ce que l'on imagine, mais il est beaucoup plus utile pour certains de n'en retenir qu'une définition grossière qui élimine les plus humbles et met les intérêts d'une minorité à l'abri des dangers...

 

Mais attention au retour de balancier ! Dans les Temps difficiles, ouvrage publié en 1854, Charles Dickens expliquait fort à propos que la réalité finit toujours par s'imposer par-delà les beaux discours : "économistes utilitaristes, maîtres d’école décharnés, délégués aux Faits, incroyants distingués de force credo éculés, vous aurez toujours des pauvres avec vous. Tandis qu’il en est temps encore, cultivez en eux toutes les grâces de l’imagination et du sentiment pour orner leurs vies si dénuées d’ornements, sinon, au jour de votre triomphe, lorsque le goût du merveilleux aura été à tout jamais chassé de leurs âmes, et qu’ils se retrouveront face à face avec leur existence dénudée, la Réalité se changera en loup et vous dévorera".

 

Entendons-nous bien : je suis tout à fait partisan d'une plus grande participation des citoyens à le Res Publica, c'est même indispensable pour éviter le despotisme doux de la démocratie dont parlait déjà Tocqueville au XIXe siècle, mais en même temps il n'est pas possible de gouverner avec pour seul objectif de satisfaire à tout instant l'opinion publique dont les traits principaux sont, comme nous venons de le voir, la volatilité et le préjugé. C'est même une faute politique et ceux qui tombent dans ce travers feraient bien de relire Max Weber, qui distingue les deux éthiques de l'action politique : l'éthique de conviction basée sur le principe kantien du devoir et l'éthique de responsabilité. 

 

Mais de cela la plupart des politiques s'en fichent, puisqu'il est beaucoup plus payant dans les médias d'apparaître comme intelligent que de l'être réellement. Depuis quelques années, nous sommes à l'évidence sous le règne du paraître qui étouffe l'être et la noblesse de la politique, où l'homo politicus se soucie plus de son image que de son action à la tête de l'État, où le montant du compte en banque tient lieu de marqueur de la réussite sociale et de certificat de capacité à gérer les affaires publiques... Bref, nous voilà en plein dans la postmodernité dans ce qu'elle offre de pire, avec son lot de post-vérités, d'outrances verbales et violences à peine cachées !  

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11 avril 2017 2 11 /04 /avril /2017 14:24

 

 

J'ai souvent eu l'occasion sur ce blog d'évoquer la mobilité internationale des capitaux, présentée par certains comme une condition sine qua non de la croissance de la production. Or, il serait peut-être temps de constater que la finance est désormais loin d'être au service de l'économie réelle, pire la première est en passe de phagocyter la seconde avec la complicité à peine voilée de certains politiques sur lesquels un regard extérieur avait été porté dans ce billet...

 

La mobilité des capitaux

 

En dehors de la Chine, la plupart des grands pays du monde ont choisi de laisser les capitaux circuler librement sur la planète et donc de faire disparaître les contrôles. L'ouverture de l'abreuvoir à liquidités aux États-Unis puis dans la zone euro ces dernières années a d'ailleurs poussé à l'extrême les incitations à la libre circulation des capitaux, mais pas toujours dans la direction escomptée, tant s'en faut !

 

Les gouvernements invoquent en premier lieu le fait que la libre circulation des capitaux conduirait à une meilleure allocation mondiale de l'épargne. De plus, cette mobilité des capitaux permettrait de s'endetter lorsque la croissance ralentit, bref de lisser le cycle économique. Enfin, elle assurerait le transfert optimal de l'épargne des pays avec une population vieillissante vers les pays où la population est plus jeune, en ce que les premiers accumulent des excédents extérieurs qu'ils prêtent aux seconds. En résumé, la mobilité internationale des capitaux serait une sorte de martingale de l'économie.

 

Or, les martingales n'existent pas et les faits économiques le prouvent ! Ainsi, si l'on reprend les arguments évoqués ci-dessus dans l'ordre, l'exemple des relations sino-américaines suffit à montrer que les capitaux ne vont pas des pays à faible productivité marginale du capital vers ceux à forte productivité. De même, il n'est pas difficile de constater que loin d'être contracycliques, les flux de capitaux vers les émergents sont le plus souvent procycliques, ce qui signifie simplement qu'un pays en récession voit les capitaux affluer quand il fait beau temps mais que ces derniers refluent lorsqu'il y a de l'orage. Il n'y a guère que l'argument du transfert entre pays à démographie vieillissante et jeune qui justifie encore un peu la mobilité des capitaux, mais l'argument tombe à l'eau pour les émergents situés en Asie.

 

Ainsi, la mobilité sans entraves des capitaux ne trouve plus guère de justification économique. Et pourtant, à l'image des autres concepts "zombie", les financiers nous martèlent que c'est indispensable à la croissance, négligeant de la sorte toutes les questions de blanchiment, d'évasion fiscale et autres effets pervers qui l'emportent souvent sur les rares effets positifs !

 

Mais on ne le répétera jamais assez : la finance n'a pas pris le pouvoir sur le politique, c'est le politique qui a volontairement abdiqué devant la finance, faisant même entrer dans les gouvernements et la haute fonction publique des financiers qui se déclarent pour certains d'entre eux anti-système... Cela devrait nous rassurer, en ce qu'il demeure possible de reprendre ce pouvoir dans l'intérêt commun, même si le combat s'annonce difficile ! Et la limitation des mouvements internationaux de capitaux en est la première étape, qu'elle passe par une taxe sur les transactions financières ou par des contrôles plus directs.

 

Les paradis fiscaux

 

À l'évidence, les gouvernements ont compris à leurs dépens depuis la crise de 2008 l'importance de contrôler les capitaux, ne serait-ce qu'en raison des scandales qui se multiplient à la Commission européenne, des affaires comme LuxLeaks, Panama Papers ou Football leaks, des banques européennes très souvent en difficulté mais avide de cieux fiscaux plus cléments, etc.

 

D'où l'accélération des mesures prises par les dirigeants politiques depuis quelques années pour lutter contre les paradis fiscaux et l'évasion fiscale afin d'engranger des recettes budgétaires supplémentaires. Il est vrai que l'évasion fiscale (voir ce billet récents) vers certains cieux plus cléments fiscalement a grandement contribué à siphonner leurs recettes budgétaires, ce qui a nécessité de faire porter l'imposition sur ceux qui ne peuvent s'y soustraire au risque de déliter le consentement à l'impôt pourtant fondamental en démocratie. Las, au vu de la concurrence fiscale mortifère à laquelle se livrent les États membres de l'UE, la distinction entre État vertueux et paradis fiscal devient de plus en plus tenue...

 

Et avec l'apparition de monnaies électroniques comme le Bitcoin, qui offre une forme très avancée d'anonymat, on ne peut ignorer les risques de blanchiment d'argent sale ! N'est-ce pas en particulier pour cette raison que les régulateurs financiers du monde entier s'intéressent de près au triptyque Bitcoin-Tor-Dark web ?

 

Et depuis la vague d'attentats que connaît la France, le gouvernement (mais l'on pourrait en dire autant de l'immense majorité des autres gouvernements de l'UE) vient de redécouvrir que les terroristes utilisent eux aussi la finance internationale libéralisée pour se sustenter. Le plus triste dans l'affaire est que si les capitaux ont la bride sur le cou pour se déplacer d'un compte à l'autre sur la terre au risque avéré de financer les activités illicites, mafieuses ou terroristes, les travailleurs quant à eux subissent toujours des entraves à la circulation alors même qu'ils sont les seuls à créer de la richesse !

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