TVA sociale : l'éternel retour !
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Lors de son exercice de communication politique sur TF1, le président de la République a évoqué les finances publiques dont j'avais parlé dans cet article et dans celui-là. Mais, surtout, il annoncé qu'il demanderait au gouvernement d'ouvrir une conférence sociale sur le financement du modèle social français. D'aucuns ont vu dans cette annonce un aveu d'impuissance, en ce que la conférence sociale sous Macron semble être devenue l'équivalent du "comité théodule" sous de Gaulle : un "machin" qui n'aboutit à rien de concret, mais fait gagner du temps tout en donnant l'impression de prendre les problèmes à bras-le-corps. Mais, plus inquiétant, voilà que remonte à la surface un vieux serpent de mer de l'économie : la TVA sociale ! Et dire qu'en rangeant récemment mes affaires, j'ai découvert que j'en parlais déjà il y a près de 20 ans...
Dans cet article, nous allons par conséquent brièvement évoquer les tenants et aboutissants de cette fausse-bonne idée qu'est la TVA sociale, qui refleurit régulièrement lorsque les comptes de la Sécurité sociale sont dans le rouge ou que les organisations patronales souhaitent trouver une justification à leur demande de baisse de cotisations sociales.
Protection sociale et financement
Plutôt qu'un long discours, la vidéo ci-dessous résumé l'essentiel de ce qu'il faut savoir sur le fonctionnement de la protection sociale et son financement.
Qu'est-ce que la TVA sociale ?
L’idée est de financer la suppression de points de cotisations sociales patronales par une hausse de points de la TVA, comme le montre l'infographie ci-dessous :
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[ Source : L'Humanité ]
Ainsi, la TVA sociale s'apparente, de prime abord, à un autre mode de financement de la Sécurité sociale, qui ne changerait a priori rien aux montants dévolus à la Sécurité sociale. Il s'agit juste d'une fiscalisation du financement de la protection sociale qui, selon certains économistes, alignerait la France sur les autres pays européens où la part des cotisations patronales dans le total des prélèvements obligatoires est en général souvent plus faible.
Avantages attendus
Le point nodal est que la TVA sociale diminuerait le poids des cotisations sociales dans le mal-nommé "coût du travail". Il en résulterait donc une baisse du coût total de production permettant aux entreprises de vendre leurs produits à des prix hors taxe (HT) plus bas. D'où également des effets bénéfiques attendus sur l'emploi.
Les entreprises françaises gagneraient également en compétitivité-prix à l'export, puisque leurs produits se seraient vendus à un prix hors taxe (HT) plus faible en raison de la baisse des cotisations sociales. Inversement, les produits importés - soumis à la nouvelle TVA - seraient plus chers, ce qui revient à dire que les producteurs étrangers financeraient malgré eux la Sécurité sociale française (2e ligne du schéma suivant).
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[ Source : La Croix ]
En ce sens, la TVA sociale fonctionne comme une dévaluation, instrument hautement non coopératif comme en témoigne l’exemple allemand en 2007, où l'exécutif avait augmentait de 3 points son taux de TVA en contrepartie d'une baisse de cotisations sociales.
Une route semée d'embûches
Il n'est pas difficile de comprendre que le principal danger d'une TVA sociale est de renchérir les prix à la consommation, soit par les importations, soit par les produits fabriqués en France si les entreprises ne jouent pas le jeu de la baisse des prix (comparez le 1er schéma et la 1er ligne du second), situation qui bien entendu n'arrive jamais, pas même dans la restauration. Et qui dit inflation, dit revendication de hausses salariales, ce qui peut annuler tout l'avantage de la TVA sociale à moyen terme. Quoi qu'il en soit, prendre le risque de générer de l'inflation n'est pas très habile, puisque nous sortons à peine de deux années de fortes hausses de prix, qui ont conduit les Banques centrales à prendre des mesures très restrictives pesant encore lourdement sur les taux d'intérêt et l'activité économique.
Par ailleurs, la TVA sociale est susceptible de frapper plus durement les plus pauvres, dans la mesure où ils consacrent une part plus importante de leur revenu à la consommation. Voilà encore du carburant à populisme, d'autant que les élections présidentielles en 2027 approchent à grands pas et que personne n'a oublié le coût politique d'une TVA sociale (cf. Borloo en 2007), quand bien même avait-elle été successivement rebaptisée dans le passé "TVA travail", "TVA anti-délocalisation", "TVA compétitivité", etc.
Enfin, il n'est pas certain qu'une TVA sociale améliore réellement la compétitivité à l'export des entreprises françaises, d'une part en raison de l'important différentiel de coût de production avec les pays asiatiques et, d'autre, part, parce que cela revient à négliger la compétitivité hors-prix (qualité, marque...). Au reste, à bien y réfléchir, les effets positifs attendus d’une TVA sociale peuvent être très rapidement annulés par une simple fluctuation défavorable des taux de change !
Est-ce vraiment le bon moment ?
Une synthèse sur la TVA sociale, rédigée en 2022 par des inspecteurs des finances du Conseil des Prélèvements Obligatoires (CPO), avait conclu en ces termes :
"Les effets d’une TVA sociale sont difficiles à estimer et dépendent de nombreux facteurs qui agissent dans des sens contradictoires. Un certain consensus se dégage cependant au sein des études pour conclure à un effet positif, mais limité et décroissant avec le temps. Des effets de bord ne doivent par ailleurs pas être négligés : effets redistributifs entre secteurs de l’économie et entre ménages, réactions en cascade provoquées par une politique non coopérative. En outre, augmenter la TVA afin de baisser les prélèvements pesant sur le travail n’apparaît pas opportun dans le contexte actuel français, la France souffrant davantage de difficultés de compétitivité hors coût."
Est-ce donc vraiment le moment, en 2025, d'ouvrir la boîte de Pandore avec une Assemblée nationale autant divisée et belliqueuse ?